Mettre en lumière les conditions de la pensée médicale ; voilà ce que serais l’objet de ce livre. Or Foucault, à l’image d’un Bachelard, montre comment la clinique a beaucoup hésité, s’est contredite. Si bien que dans les soubassements de la conscience médicale se trouvent ses errements, ses refoulements. Cette partie obscure ne nous montre pas tant les irrégularités d’une pensée mais plutôt ce contre quoi elle s’est construite ; comment elle a fait passer le patient de singularité à un objet de connaissance.


On peut commencer par évoquer une médecine des classes, représentée notamment par Sauvages et Pinel, médecine cherchant à classifier la maladie en familles, et montrer que celle-ci est une composition de plusieurs facteurs, facteurs pouvant apparaître dans plusieurs maladie, d'où cette idée de famille, de parenté entre les maladies. D'autre part, la maladie fut aussi pensée en termes d'épidémie, avec Sydenham. Là où la médecine des classes retraçait l'histoire de la maladie, a travers ses facteurs, la considération de la notion d'épidémie mit en place des critères géographiques (une fièvre serait moins violente ici qu'a un autre endroit, par exemple). Au delà de la question de la pertinence de ces modèles, on peut remarquer le besoin d'organiser les symptômes selon un modèle pour établir un savoir clinique, afin de mieux connaître la maladie.
Là où la seule prise en compte des symptômes empêche un savoir cohérent de se former, du fait de la multitude des symptômes, une méthode peut être utilisée pour saisir "l'essence" d'une maladie.



A l'époque de Laplace, soit sous son influence, soit à l'intérieur d'un mouvement de pensée du même type, la médecine découvre que l'incertitude peut-être traitée, analytiquement, comme la somme d'un certain nombres de degrés de certitude isolables et susceptible d'un calcul rigoureux. Ainsi ce concept [la science de l'homme] confus et négatif, qui tenait son sens d'une opposition traditionnelle à la connaissance mathématique, va pouvoir se retourner en un concept positif, offert à la pénétration d'une technique propre au calcul.



Il a fallu donc, pour la médecine, adopter un type de savoir qui puisse établir une connaissance fondée sur une certaine conception de l'homme, organisant, entre autres, cette conception par l'entremise du savoir clinique. Cette organisation permet de penser un Homme "offert à la pénétration d'une technique propre au calcul", c'est-à-dire que l'Homme devient objet de connaissance, on peut établir des discours sur ce qu'il peut présenter d'inconnu en lui et espérer de découvrir des vérités sur cet inconnu. Dans le cas de la clinique, il s'agit bien évidemment de maladie et de symptôme.


Le symptôme lui même est pris dans une ambiguïté : il indique une partie de la maladie (qui est multiplicité de symptômes) et fait la différence entre l'état de santé et de maladie. De cette double fonction, il faut pouvoir en tirer un discours cohérent.



Quand il est signifiant par rapport a lui-même, il est donc doublement signifié : par lui-même et par la maladie qui, en le caractérisant, l'oppose aux phénomènes non pathologiques ; mais pris comme un signifié (par lui-même ou par la maladie), il ne peut recevoir son sens que d'un acte plus ancien, et qui n'appartient pas à sa sphère : d'un acte qui le totalise et l'isole, c'est-à-dire d'un acte qui l'a par avance transformé en signe.



La double fonction du symptôme, du fait de son ambivalence (être une partie de la maladie et être le phénomène qui marque la différence avec l'état de santé), ne lui permet d'être cohérent, d'atteindre un statut de signifié par lui-même, il lui faut donc autre chose, qui n'est pas le simple fait de constater le phénomène symptomatique.


Alors de quel acte s'agit-il ? Pour comprendre au mieux le symptôme, la maladie, il faudrait que ledit acte ne soit pas constitué par une théorie, par un parti-pris. Pour saisir l'ensemble du symptôme, il s'agit de l'observer, de faire un acte de regard, mais par n'importe quel regard :



Le regard s'accomplira dans sa vérité propre et aura accès à la vérité des choses, s'il se pose en silence sur elles ; si tout se tait autour de soi. Le regard clinique a cette paradoxale propriété d'entendre un langage au moment où il perçoit un spectacle.



Ici le spectacle, c'est le phénomène symptomatique, et le langage, c'est le discours qui porte sur ce qui est observé, observation qui ne peut que naître d'un silence de la part des théories, modèles, déjà pensées. En effet, il s'agit de considérer le symptôme dans sa plus grande pureté, pour que le discours soit le premier, autrement dit un socle où d'autres discours (pas forcément issu de la méthode clinique) pourront se former. C'est pour cela que le regard clinique observe et entends à la fois : observant le symptôme dans sa pureté, il peut produire un discours qui ne serait pas altéré par des théories déjà formulés. Et ce sont ces discours issu de ce regard qui constituent le savoir clinique.

Heliogabale
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le 3 juil. 2015

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