La thèse de Gellner est la suivante :
La nation est le produit du nationalisme. Celui-ci répond à l'impératif du passage d'une société agraire qui fonctionne en strates figées à une société industrielle fondé sur la mobilité sociale.
La mobilité sociale nécessite une certaine homogénéisation culturelle pour permettre une compréhension entre ses membres indépendamment du contexte local, ainsi qu'une formation généralisée permettant à ses membres de changer de travail dans une économie en expansion constante; homogénéisation rendue possible par l'abandon des sous-groupes locaux et la reconnaissance en une large communauté d'anonymes, la nation.
Dans cet ouvrage de 200 pages, Gellner soutient sa thèse avec brio, utilisant une large culture, autant historique que sociologique et philosophique. Son style a le mérite d'être clair sans être exceptionnel, ses analyses ponctuelles sont souvent brillantes. Mais c'est surtout sa thèse fondamentale qui m'a séduite, bien que foncièrement déterministe (sa réfutation d'un moteur idéel qui serait fourni par des penseurs nationalistes est tout à fait séduisante)
Tout au plus pourrait-on lui reprocher d'une part une propension à l'abstraction au détriment de l'exemple précis (mais cette propension est inhérente à toute tentative de dégager un modèle globale d'un phénomène multiple), d'autre part certains partis pris idéologiques - il a l'air d'avoir une dent contre le marxisme - et hypothèses hasardeuses sur l'avenir que, pour ma part, je ne partage pas toujours.
Gellner lui-même admet les limites de son travail.
Je recommande cet ouvrage, autant pour une approche historique du nationalisme que pour les nombreuses pistes de réflexion qu'il propose pour la compréhension de notre propre époque.