McKinty réussit dans ce bouquin le tour de force d'articuler, de manière convaincante, une intrigue de type roman d'espionnage (sur fond de guerre civile irlandaise) et une seconde intrigue de type roman policier à énigme (ici de chambre close). Le tout en parvenant à s'inscrire dans des faits historiques réels (attentat de Brighton en 1984), bref de quoi tirer un grand coup de chapeau à l'auteur pour cette prouesse scénaristique : on aurait craindre que tout cela constitue un ensemble bringuebalant aux airs de bricolage littéraire, ce n'est absolument pas le cas.
Le bouquin explore également avec pertinence et sans manichéisme la guerre civile irlandaise et l'atmosphère si particulière - et peu réjouissante - de l'Ulster au début des années 80. Catholiques et protestants s'y côtoient et se fréquentent même parfois, alors même que deux forces armées, l'IRA et celle de l'occupant britannique, s'y font la guerre. En dépit de ce contexte sombre et violent, McKinty parvient à conserver dans son écriture une forme de distance, à travers à l'humour qu'elle distille tout au long des pages. Ce grâce au personnage principal (et narrateur), l'inspecteur Sean Duffy, un formidable personnage de polar, qui, s'il appartient à la communauté catholique (je ne le qualifie pas de catholique car il ne brille guère par sa piété), travaille également pour le RUC (la police anglaise en Ulster) : tout un symbole. Et, au delà de la seule guerre, la culture et la société irlandaise sont également joliment dépeintes dans le bouquin.
En fin de lecture, les esprits malveillants pourront regretter que l'attentat de Brighton échoue à faire la peau de Margaret Thatcher ; mais comme je l'ai dit plus haut, le scénario se raccroche parfaitement aux faits historiques. Et puisque le bouquin est paru en 2014, c'est à dire trente ans après les faits qu'il décrit, Mc Kinty, dans sa conclusion, évoque la fin du conflit, sous la forme, bien entendu, d'une prédiction exprimée par l'énigmatique espionne britannique avec qui travaille Duffy. C'est joliment amené, et puisqu'il est question de conclusion, cela conclut également ma chronique.