Toumani Coulibaly, champion de France du 400 m est destiné aux Jeux olympiques. Ce n’est pas dans ces circonstances ci, que Mathieu Palain, journaliste le rencontrera, mais dans un parloir de la maison de rétention de Réau. Inculpé pour une dizaine de braquages, l’athlète à la double vie doit désormais purger cinq ans de prison ferme.
Alors que sa famille ne franchira que très rarement les murs de la prison, c’est Mathieu qui finira par visiter Toumani toutes les semaines, intrigué par le personnage.
Ils ne se connaissent pas mais ont grandit tous les deux dans la même ville de l’Essonne. Ils ont le même âge. L’un est coureur professionnel, l’autre amateur. L’un est libre, l’autre incarcéré.
Ce roman n’a pourtant rien d’une course de 400 m. Les 500 pages relatent minutieusement le parcours de Toumani, rythmée par les entrevues hebdomadaires au parloir entre le détenu et l’écrivain.
Pendant une incarcération de cinq ans, le temps est en suspens et si le prisonnier ne trouve pas un exutoire, arrive un moment où il sombre. La routine de Toumani est infaillible et chaque jour il aligne des tours de terrain sans savoir si, à 35 ans, en sortant de prison, il ne sera pas trop vieux pour reprendre les compétitions.
500 pages, c’est long, mais peut être le minimum syndical pour décrire l’attente douloureuse et les pensées en boucle d’un incarcéré longue peine. 500 pages nécessaires aussi pour décrire le vice de la récidive, des élans de kleptomanie, qui frappe aux moments inattendus, des rechutes involontaires, de la chronicité du trouble, et surtout du temps qu’il faut y consacrer pour se sortir de l’enfer. Car de longues discussions, une psychologue, des kilomètres sur le gazon artificiel et des nuits blanches, entre les quatre murs de la cellule permettront à Toumani de comprendre un peu mieux le chaos dans lequel il s’est plongé.
Mathieu Palain, tachera de rester à distance dans cette histoire, qui est celle de Toumani. En découlera une longue réflexion du métier hybride de l’écriture, entre journaliste et écrivain. Où se placer pour ne pas tomber dans le voyeurisme, la perversion ou l’opportunisme des grands titres ? Il ne se précipitera pas non plus dans l’écueil facile du déterminisme des misérables. Toumani n’est pas simplement un athlète noir fauché austracisé qui tombe dans le vol. Il n’est pas simplement le Claude gueux moderne que Victor Hugo défendit il y a 200 ans, car ce n’est pas ici « la faute de la société qui fait tomber des têtes sans les féconder » mais bien la sienne. Pour autant, la prison en vaut elle la peine, est-elle un châtiment que l’on peut considérer encore comme juste ? Mathieu se penchera sur cette question quand dans l’imaginaire collectif, on les pense encore « remplies de violeurs et de pédophiles ».
L’auteur fait honneur à la France et son art de la nuance, bien loin d’un cinéma américain aux histoires idéalisées, parce que Toumani, approche les 35 ans, aube de la retraite d’un sportif et ne gagnera probablement plus aucune course en sortant de prison.
Pour autant les 500 pages nous font fermer le lire avec la conviction ferme qu’il ne faut jamais s’arrêter de courir.