Neuromancien est partout présenté comme le livre fondateur du mouvement cyberpunk, une arborescence littéraire du prolifique arbre du genre SF.
Neuromancien n'est pourtant pas le livre fondateur. Il est bien plus qu'un premier jalon. Il est l'incarnation du genre. William Gibson a créé en un seul livre un univers purulent, strident, d'une noirceur aveuglante, dytopsie mélangeant amphets et câblages, connexions neuronales et multinationales toutes puissantes, hackers et dealers...
Si le style, volontairement grossier sans être rebutant, n'est pas exceptionnel, il est parfaitement dans le ton de l'univers déployé. On sent un monde mature, pensé, schématisé de bout en bout, où des luttes de pouvoir terribles se jouent dans des bars crasseux autour d'une table miteuse voisinant un japonais comateux et un brésilien en pleine overdose...
Cet énorme point fort, un monde détaillé à l'extrême, réclame paradoxalement d'être déjà familier du genre cyberpunk pour apprécier parfaitement ce livre. La terminologie, les enjeux et les difficultés peuvent paraître un peu abscons si on a aucune notion de ce qu'est la Matrice.
L'histoire ensuite est presque accessoire, plaisante sans être transcendante. Les personnages ne sont pas bien folichons il faut bien l'avouer. S'ils ne sont pas de purs stéréotypes, ils manquent malgré tout de nuances, de profondeur. Ils sont avant tout des outils nécessaires à la mise en musique de cet univers foisonnant, chacun en éclairant une facette bien précise, leurs interactions dévoilant l'ensemble tout en conservant dans la pénombre un background foisonnant.
Neuromancien est un livre à lire avant tout pour se rendre compte de l'importance qu'il a encore aujourd'hui sur la production SF actuelle, que ce soit littéraire, bande dessinée ou cinéma.
Quand on crie à la révolution scénaristique Matrix, au génie de Akira & consorts, il ne faudrait pas oublier la source, le terreau, l'engrais surboosté qu'est Neuromancien.