Nous sommes au II s. avant J.-C., dans la royaume de Bithynie, vassal de Rome. Sous notre regard, les tractions diplomatiques auxquelles se livrent Prusias, petit roi sans prestige à la botte de Rome, son fils Nicomède, et l'ambassadeur romain Flaminius.
En gros, Nicomède, contrairement à son père, est bourré de charisme. Il réussit à calmer une émeute rien qu'en apparaissant devant le peuple. C'est un général victorieux, un conquérant; il s'est couvert de gloire. En un mot, il a la classe : son père est jaloux. Le but de ce dernier est de border la grandeur de Nicomède, avec l'aide du vil Flaminius, Rome ayant intérêt à ce que le héros ne récupère pas la totalité de la Bithynie lors de la succession.
Ce qui est intéressant ici (et ce qui peut grandement ennuyer le public moderne), c'est l'importance des politesses diplomatiques, qui ont toujours une place de choix dans le théâtre de Corneille. Très souvent, les dialogues consistent en un échange de civilités sur la place de chacun dans une hiérarchie reposant sur l'honneur. En l'occurrence, les échanges dans cette pièce découlent principalement du fait que Nicomède a le sens du décorum: il veut que lui soit rendu ce qui lui est dû. Il doit pour cela discuter de ses droits avec un papa jaloux conseillé par une crasse romaine, ce qui n'est pas une mince affaire.
On parle haut de ses exploits quand on est un héros cornélien. Le héros ne craint pas d'affirmer ses ambitions, et il a une aura, comme ses prédécesseurs antiques. Nicomède rayonne tellement qu'on ne voit que lui, et voir c'est croire : on doit lui faire confiance et lui confier le pouvoir, au mépris du droit d'aînesse.
Pourtant, il faut souligner cet aspect très important de la pièce, que Nicomède n'agit plus. Il a agi, ce à quoi il doit son aura. Mais ses exploits appartiennent au passé. Face à son père il ne fait que répondre, réagir, résister. Bref, il est en position de victime. Pour se placer au-dessus de son agresseur, ne reste à Nicomède que l'ironie. Misère du héros qui se retrouve à utiliser l'arme des faibles.