Indigent !
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Sur la foi de la quatrième de couverture, et quand on a vaguement entendu parler de Norilsk, ancienne ville-goulag devenue ville-mine, la grande ville la plus septentrionale du monde et l’une des plus polluées, le récit de Caryl Férey paraît prometteur.
Au bout de cinquante pages, on attend d’aborder enfin le cœur du sujet, de dépasser le constat qu’au vu des commentaires sur internet, « Norilsk semblait vraiment pourrie » (p. 14 en « Livre de poche »). Au bout de cent, on se dit que si les hôtels délabrés, les restaurants miteux et les assommoirs sont ce qu’on y trouve de plus marquant, un vol au-delà du cercle polaire n’offre guère plus d’intérêt qu’un aller simple en tramway pour la zone industrielle de Dijon-Valmy. Et au bout de cent cinquante, le livre est terminé.
Norilsk de Caryl Férey ne parle pas de Norilsk, mais principalement de Caryl Férey. Caryl Férey est un baroudeur. Caryl Férey aime la bière, le rock et l’amitié – ce qui est, certes, une garantie d’intégration sibérienne un peu plus solide que s’il appréciait l’eau d’Évian, John Cage et la haine. Caryl Férey pousse-t-il la curiosité jusqu’à tenter – seulement tenter – d’aller voir ce qui se passe dans les mines et les usines de Norilsk ? Non. C’est dommage.
Comment Caryl Férey écrit-il dans Norilsk ? À peu près comme Patty et Selma prennent les photographies qu’elle montrent dans l’épisode 14 de la saison 2 des Simpson : pour et sur lui-même. (Caryl Férey semble aussi beaucoup s’aimer. Si ça peut aider à sa survie…) On trouve bien, çà et là, quelques tentatives de raccrocher le propos à une esthétique de roman hard-boiled : « Impossible à imaginer, l’injustice il faut la prendre dans les gencives pour laver les dents de son voisin » (p. 95).
Mais le reste du temps, dans le pire des cas, Caryl Férey se contente de ce qu’il y a de plus creux dans le langage d’une époque, de mots-clés qui donnent l’air généreux et qui restent en surface : « En visitant le musée de la ville, je retrouvai les problématiques qui frappaient les peuples premiers à travers le monde, mais aussi leurs coutumes » (p. 139).
Au mieux, le voyageur de Sibérie joue au penseur : « Peut-être est cela, le Grand Équilibre : fuir la gravité des imbéciles, ne jamais se prendre au sérieux, avec qui que ce soit, tout en subissant un imaginaire d’une noirceur sans fond » (p. 53) – j’ai entendu des répliques aussi convaincantes sortir de la bouche de vieux sages de séries Z.
Créée
le 19 oct. 2020
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