Je ne connaissais pas David Joy, mais à la fermeture de ce roman, je sais déjà que je vais dévorer ses autres livres ! Il y a du Jim Harrison dans ces personnages, servis par une écriture fluide, qui impacte directement aux émotions. C'est un grand écrivain dont il s'agit là, nul doute à ça. Le style reste toutefois assez académique et de fait, le cycle de l'intrigue et somme toute classique ; un drame, un contexte, une vengeance... Mais le décor des Appalaches changent la donne ; là-bas le monde s'est écroulé, les montagnes n'abritent plus que des Indiens et des rednecks shootés jusqu'aux yeux. Un drame social déclenché en grande partie par l'industrie pharmaceutique qui a balancé pendant des années et à haute dose de l'oxycodone et du vicodin, le tout bien emballé par McKinsey (oui oui, les potes à Macron). A ce propos, lire en postface l'article de David Joy sur cette crise des opiacés.
C'est donc dans un contexte sanitaire et social particulier qu'évolue cette intrigue et cette immersion dans le monde des junkies. Ca fait froid dans le dos. C'est aussi dans le contexte des méga feux qui dévorent les montagnes et donnent une sensation de fin du monde prochaine. David Joy participe ainsi avec brio à un genre littéraire, le roman noir rural. Un genre qui a le goût de l'universalisme, alimenté par la misère, le désenchantement et l'apprêté des rapports humains. Un genre aussi vieux que l'industrie capitaliste. Mais sans ombre pas de lumière, et c'est souvent l'occasion de croiser des loosers magnifiques. C'est le cas ici. Avec le personnage de Ray Mathis qui regrette le temps où l'on réglait les choses dans l'entre-soi ; et Denny Rattler, un junkie de la réserve indienne dont la part d'humanité n'a pas encore totalement disparue sous le manteau rugueux de l'addiction. Bien sûr, chaque destin va s'entrechoquer à l'autre...
Certes, David Joy ne transcende pas le genre en lui-même, mais son écriture prend aux tripes et c'est en cela qu'il est brillant, je n'ose prononcer le nom des très très grands auteurs auxquels il me fait penser, mais c'est certain ce type a un grand talent et certainement un grand avenir devant lui. Allez j'ose timidement quelques références : R.J Ellory, Jim Harrison, Faulkner ?... Ca joue dans la cour des grands, c'est sûr.