Devenir banal à force d'originalité
Les écrivains capables de maintenir le lecteur dans une décalage cognitif sont rares. J'en vois un, Chuck Palahniuk, qui réussit à tous les coups. Lena Dunham n'est pas du même calibre, mais insiste pourtant toujours à utiliser de cet artifice pour créer du pathos. "Je dis à ma mère que j'ai peur de mourir et elle me répond il y a des céréales dans le frigo puis se remet à ranger sa librairie iTunes" - c'est un peu ce ton là. Oh comme tout est tragédie et comique à la fois ! Oui bon, ça va, on a compris. A force de vouloir détailler les aspects traumatiques de sa vie (qui ne sont au final que des étapes normales de la construction de son identité, comme on en vit tous) de cette façon, elle banalise son propre regard sur elle-même à un procédé rhétorique, à une figure de style.
C'est un peu le gâchis de son livre : elle finit par devenir une caricature d'elle-même. Elle nous livre ses plus profonds secrets, mais dans un style qui les rendent futiles, et sans honnêteté. Pourquoi ne pas avoir pris le parti d'en parler plus simplement ? D'autre part, il y a une sorte de contradiction entre le procédé et le contenu : en affirmant la banalité de toute chose, mais en insistant par le style sur leur aspect original dans son cas, on a du mal à avoir de l'empathie pour ce qu'elle raconte.
Mention spéciale pour les pages sous forme de liste (mes dix peurs, mes dix raisons d'aimer NY, etc.) qui sont une sorte d'autoglorification de sa sainte parole de new yorkaise. Duuuhnam...
Très très dispensable, surtout si on a vu la série qui raconte déjà tout, en mieux.