Notre coeur
8.1
Notre coeur

livre de Guy de Maupassant (1890)

Allez liker la critique de Brune Platine ça lui fera plaisir

Maupassant n'est déjà plus à son zénith quand il écrit son roman : son inspiration le trahit franchement. Est-ce la corruption des salons bourgeois qu'il tente d'exorciser dans ce livre qui le pousse à tomber dans le cliché littéraire justement bourgeois ?
Ou est-ce l'inanité intellectuelle de son personnage de mondaine éprise d'elle-même qui l'oblige à des métaphores rampantes. Quand Michèle de Burne compare la marée au Mont Saint-Michel à un cheval lancé au galop, on laisse à Maupassant la prérogative du choix stylistique, mais quand celui-ci compare lourdement son héroïne à une déesse, une idole autour de laquelle on vient s'agenouiller, le doute n'est plus permis ; l'écrivain a perdu la main.


Comme lorsqu'il envoie dans les pattes du bon Mariolle une jeune ingénue dont l'éclosion nubile sert au spectateur de balourde démonstration d'inversion des rôles d'entre le héros et sa tortionnaire.
Maupassant ne nous sert pas un roman de littérature mais de psychologie : c'est une enquête intime, une ample plainte contre sa propre captivité mondaine, son impossibilité de s'extraire des griffes de la Potocka et des autres souveraines de salons qu'il avait réussi à éviter jusqu'à un point avancé de sa vie malgré, notons-le, un appétit de gloire et de succès prononcé (quoi qu'en disent mes collègues senscritiquiens). A ce titre, le dossier concocté par l'édition Garnier-Flammarion est exhaustif et précis, j'y tire d'ailleurs la plupart des arguments que j'expose ici. Au fond, c'est la grammaire qui sauve le style de l'écrivain, la grammaire et les règles de composition qu'il a acceptées de la part du maître Flaubert. Son ignorance en la matière ne lui a pas permis de mettre en regard l'enseignement du maître avec la tradition littéraire antérieure et de s'affranchir des principes parfois extrêmes du Normand, la documentation jusqu'à l'absurde et le style du choc des épithètes.


Je n'irai pas jusqu'à dire avec le critique Léon Daudet que Maupassant était d'une ignorance crasse et que sa



"vogue a tenu précisément à cette médiocrité intellectuelle et
spirituelle, à ce matérialisme bestial, produits dans une langue
nerveuse et claire, accessible à tous et pourtant savoureuse"



ni qu'il



"reste ceci que chez le coiffeur, chez le dentiste, dans les trains,
il est de nature à tromper l'attente par le don de l'intérêt qui est
en lui"



car après tout Daudet lui avait prédit un oubli général et définitif de la geste littéraire française ; il est néanmoins savoureux de remarquer que comme pour ce roman, c'est son sens de la grammaire qui lui a permis d'être sauvé, repêché par les fonctionnaires de l'éducation nationale pour figurer en bonne place sur les étagères des classiques du secondaire aux côtés d'Hugo et Zola, là où d'autres écrivains de la fin du stupide XIXème siècle sont aimablement tombés dans l'oubli des masses : les Goncourt, Paul Bourget, Pol Neveux, André Suares et alii.

Fabrizio_Salina
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le 22 déc. 2017

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