Mélanie Fazi est la petite princesse du fantastique. Je l'ai découverte avec « Serpentine » où elle m'a complètement bluffé tant la maîtrise dont elle y faisait preuve malgré son jeune âge est le gage d'un grand talent de la littérature. Elle se montre particulièrement à l'aise dans le genre fantastique. Trop souvent ses textes donnent l'impression d'être pris dans une gangue de noirceur, mais c'est son mode d'expression et cette caractéristique rend ses textes uniques et fascinants.

« Notre Dame aux Ecailles » est un recueil qui rassemble douze textes. Certains sont inédits et d'autres ont déjà parus dans des revues ou des anthologies. Le premier, intitulé « La cité travestie », nous parle de l'amour perdu dans une cité qui réclame vengeance, une cité appelée Venise. « En forme de dragon » raconte les affres de la création artistique. Cette histoire est celle de Faustine dont le père s'enferme des jours durant pour retrouver l'inspiration. En voulant l'aider, elle commettra l'irrémédiable tout en découvrant le don qui est le sien. « Langage de la peau » est une merveilleuse métaphore de cette part d'animal en chacun de nous lorsque l'amour prend sa forme la plus primitive.

« Le train de nuit » nous emmène dans un voyage bien étrange. En effet, ce train, d'aucuns prétendent qu'il n'existe pas alors quand on y pénètre on ne sait jamais si le billet de retour est compris. Dans « Les cinq soirs du lion », une jeune femme s'interroge sur son familier. Que je vous mette au parfum : un familier est une créature invoquée par un magicien ou un sorcier – je sais que c'est un langage de spécialiste en fantasy ou en fantastique et ne manque pas de m'étonner de son usage par Mélanie à l'endroit du grand public, mais bon. Cependant elle ne s'explique pas pourquoi il s'agit d'un lion. Peut-être est-ce une réminiscence du drame qui l'a marquée à vie ? « La danse au bord du fleuve » est un autre texte qui peut paraître quelque peu mystique mais qui recèle des trésors d'érotisme et de poésie. En effet, l'auteur explore la relation étrange qui unit des femmes et un fleuve qui a le pouvoir de prendre forme virile.

La « Villa Rosalie » est une maison qui sort de l'ordinaire. Non qu'elle soit hantée, mais plutôt habitée. Quoi de plus normal me direz-vous ? Si ce n'est qu'elle est vivante. Dans « Le nœud cajun » il est question d'une maternité. En effet, la belle Cora attend son troisième enfant, mais elle n'a plus l'éclat dans le regard qu'elle a toujours eu. Quand le terme s'est approché alors elle est allée dans sa ferme isolée avec Eugene, son mari, et ses deux premiers. On ne l'a alors plus revue, ni le restant de sa famille. Inquiet, l'épicier se décide à aller aux nouvelles. Et il va en apprendre des surprenantes. Avec « Notre Dame aux Ecailles » la narratrice nous raconte comment une des maladies les plus cruelles qui soit la prive, la dépossède de son bien le plus intime : son propre corps. Peu à peu on découvre qu'il est cependant une rémission, une nouvelle éternité qui se propose au travers de la minéralité des statues d'un petit jardin.

Le « Mardi gras » n'est pas forcément un jour de fête. Après l'ouragan qui détruisit la ville, la population de la Nouvelle-Orléans fêta « Mardi gras », une jeune femme nous raconte comment sur cette terre fortement imprégnée par le santeria et le vaudou – n'est-ce pas, Ludo ? - les morts de Katrina s'invitèrent à la fête. Dans « Noces d'écume ». Quand quatre jeunes hommes partent à la pêche ensemble, il n'y a rien d'extraordinaire. Quand ils en reviennent différents qu'ils commencent à changer dans leur comportement mais aussi dans leur propre corps, cela devient plus que préoccupant. Dans « Noces d'écume » on découvre donc le fin mot de l'affaire. Enfin, « Fantômes d'épingles » conclue ce recueil en nous expliquant, qu'enfant, jouer à la poupée ne prête à aucune conséquence alors, qu'adulte, si celle-ci commence à prendre une part trop importante dans notre vie, cela devient autrement plus inquiétant.

Toujours noirs, ces textes sont bien le prolongement de ceux de « Serpentine » et évoquent au travers de métaphores puissantes tous les tourments qu'une vie peut nous réserver. Cette noirceur n'est pas sans poésie et cela rend l'ensemble surprenant et fascinant. On en demande toujours plus car derrière tous ces mots, ce sont nos vies qui se tissent et se déchirent. Un recueil envoûtant et profondément troublant. A ne pas lire les jours de déprimes et à dévorer absolument lors de ces périodes où, trop sûrs de notre fait, nous oublions le sens des réalités et l'importance centrale de la vie sans fioriture.
Bobkill
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le 21 nov. 2010

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