Je lis peu d'auteurs contemporains, mais je lis ce que sort Bégaudeau avec une certaine assiduité.
Notre joie fait donc suite à la fameuse soirée lyonnaise racontée par un Usul bourré dans un live sur Twitch, où Bégaudeau a discuté avec des types de droite qui ne s'assument pas.
L'essai est divisé en deux, la première partie raconte donc cette soirée et a pour objectif de répondre point par point à ceux qui à droite se pensent proche de sa pensée, car ils auraient tous les deux le même ennemi commun : la bourgeoisie de gauche (et également aux gens de gauche qui le pensent confus).
J'aime beaucoup la manière qu'à Bégaudeau de justifier le fait d'être allé discuter avec eux en expliquant qu'on ne lui aurait jamais reproché d'être allé parler avec des macronistes pratiquants et dieu sait qu'ils en causent du tort les petits macronistes pratiquants. Mais surtout il montre que les militants identitaires qui louaient chez lui son ouverture, le fait de lire des auteurs de droite, ne font sans doute pas la pareille dans l'autre sens et que eux ne lisent personne à gauche. C'est toujours à sens unique.
Et cette partie est plutôt convaincante, précise, argumentée même si je ne sais pas pourquoi Bégaudeau se livre parfois à quelques spéculations quasi psychanalytiques sur le manque d'un père ou que sais-je... Je pense qu'on aurait pu s'en passer... Déjà parce que c'est de la pseudo science (et donc de la merde) et en plus parce que ça n'apporte rien à l'argumentation...
Et si on excepte cette petite manie de faire son Freud, j'ai vraiment apprécié l'enrobage littéraire autour de l'essai, surtout sur la fin lorsqu'il raconte comment après sa soirée il est allé d'hôtel en hôtel, tous complets... On sent que c'est un romancier et qu'il y a un réel plaisir à écrire ça, à rendre tangible pour le lecteur l'expérience de cette soirée arrosée.
Cependant là où j'aurais plus de reproches à faire c'est sur la seconde partie que je trouve plus fouillis, plus confuse, il passe parfois d'un sujet à l'autre un peu brusquement alors que ça aurait pu mériter d'être étoffé (c'est mon côté amateur de choses pratiques). Je pense notamment à l'un de mes rares points de désaccord avec lui sur tout l'essai qui concerne l'école. Alors oui il explique plutôt bien (et à raison), qu'on a toujours tendance à croire qu'on ne fait pas un métier inutile et je sais qu'il plus pour des écoles autogérées qui émanciperaient les élèves, mais justement j'aimerais savoir comment ça marche...
Parce qu'il parle d'une fille voilée qui ressortirait de cette école voilée mais anarchiste...
Il se moquait un peu de l'idéalisme de son interlocuteur lors de sa soirée lyonnaise, mais alors là, anarchiste voilée, ça me semble quand même pas mal niveau utopie, je suis lecteur de Bakounine et c'est quand même une idéologie profondément athée, concilier dieu avec l'anarchisme ça me semble compliqué...
Plus loin j'ai apprécié son analyse de Clouscard, n'ayant pas encore réussi à lire ses textes, ça me permettra d'avoir une idée en tête pour aborder sa pensée et des réserves qu'on peut lui opposer...
Mais surtout, je crois que finalement ce qui m'a le plus plu, outre plusieurs passages sur la colère, que ça soit celle de Horia Bouteldja ou de celui qu'il appelle S, qu'il juge, en presque bon stoïcien comme n'étant pas nécessairement la bonne solution, c'est le passage sur la lecture.
Qu'est-ce-que c'est bien !
Ce discours sur la non productivité de la lecture. Lire ne sert à rien et rien que faire c'est faire la nique au Capital. Et j'ai jubilé lors du petit tacle aux gens de gauche qui ne lisent que de la lecture théorique (bien que je dois quand même me retrouver là dedans, lisant plus des essais que des romans, mais j'en lis !).
En somme Bégaudeau clarifie sa position, qui était pourtant très claire, sur l'extrême droite, le lien de celle-ci avec la bourgeoisie et je pense qu'il ne va néanmoins pas se faire beaucoup de nouveaux amis à gauche... bref c'est toujours intéressant de confronter ses idées, ou de voir quels mots il arrive à mettre sur des choses qu'on avait remarquées, surtout qu'il a quand même une plume loin d'être dégueulasse.