J'ai coutume de lire un livre papier et d'écouter un livre audio en parallèle (je dis bien en parallèle, pas en même temps !) J'ai lu Notre vie dans les forêts alors que j'écoutais l'audiolivre de Salem, de Stephen King et je dois dire que la comparaison n'est pas à l'avantage du premier.
Qu'on aime ou pas Stephen King (ses thèmes, ses genres, son style, etc.), il faut reconnaître son génie de storyteller. Ce mot n'existe pas en français, bien qu'on puisse le traduire par conteur ou raconteur d'histoires, et ce n'est peut-être pas un hasard. Il me semble que la littérature française, du moins une certaine littérature française, a depuis longtemps renoncé à l'ambition fondamentale de raconter des histoires.
C'est comme si l'on avait tourné le dos à une vulgaire lubie pré-moderne, alors qu'il me semble que cette ambition devrait quoi qu'il arrive (quels que soient les genres et les époques) être centrale à la majorité, sinon à une partie substantielle, de toute littérature.
Je ne jette pas la pierre à Marie Darrieussecq en particulier. Au contraire, il me semble qu'elle n'a pas tout à fait abandonné cette ambition. C'est pour cela que je lis encore ses écrits, au contraire de beaucoup d'auteurs français contemporains.
Disons que lire Notre vie dans les forêts à côté de Salem, c'est comme alterner une hostie et un pavé de campagne. Le personnage, unique, est assez fade, son récit est nébuleux, plein de trous (c'est à nous les combler, nous dit-elle, bien qu'ils semblent le résultat d'une paresse créative plutôt que d'une volonté positive d'entretenir le mystère) alors que le monde gris et plat ne génère absolument aucune image (oui, oui, il faut transmettre le désespoir, mais bon). Je pense au Terrier de Kafka (sans doute car il est question aussi de galeries souterraines), qui avec un personnage unique et un univers encore plus restreint crée un monde incroyablement précis, terrible mais stimulant.
Peut-être sommes-nous à une époque où tout a été écrit, et qu'il nous faut attendre la fin des temps en parcourant des mondes plus déprimants encore que le nôtre ? Ou essaie-t-on de nous donner espoir, par contraste ? Je n'en sais rien. Salem n'est pas très réjouissant non plus. Quoique...