Elle s’appelle Viviane. C’est une femme seule, de santé fragile. Sentant sa fin proche, perdue au milieu d’une forêt dans un campement souterrain, à peu près dénuée de tout et surtout de ce qui est connectable (téléphone, télé, ordinateur…) elle écrit. Un témoignage de ce qu’a été sa vie. Dans un autre monde, un autre temps pas si éloigné, elle était psychologue, elle aidait les personnes à se sortir de leurs angoisses et de leur mal-être. Elle aussi a souffert. née avec un poumon en moins, greffée encore enfant, puis plus tard d’un problème rénal, autre greffe… puis un oeil. Un corps qui part en lambeau. jusqu’à ce qu’elle décide d’arrêter. C’est à ce moment qu’elle comprendra ce qu’elle est en réalité.
Roman hallucinant aux allures post-apocalyptiques, Notre vie en forêt décrit un monde ancien qui a cessé d’exister, dépeuplé d’animaux, pollué au dernier degré, dans lequel évoluent les individus. Chacun a la possibilité de se « reconstruire », de changer ses pièces défectueuses, comme un coeur, des poumons, un foie… Les plus chanceux, la frange la plus riche de la population, a même droit à un clone, une « moitié », gardé dans un centre médical, une sorte de donneur d’organes permanent. pouvant être opéré à n’importe quel moment. Les moins chanceux se contentent d’une « jarre » avec quelques organes principaux. Depuis son enfance, Viviane rend visite à son clone qu’elle a baptisé Marie. Marie dort 24 heures sur 24. Marie lui ressemble comme deux gouttes d’eau, excepté qu’elle semble ne pas vieillir aussi vite. Et Marie est là pour fournir ses organes. Lorsqu’on annonce à Viviane qu’un de ses deux yeux est fichu et qu’elle doit le remplacer, elle renonce à l’opération pour ne pas défigurer sa moitié. C’est là qu’elle fuit dans les bois, retrouver un de ses anciens patients, le patient zéro qu’elle surnomme le cliqueur, parce qu’il passe sa vie à enseigner aux robots comment associer des images et des mots. En cliquant. Pour une société du futur entièrement mécanisée… Le cliqueur va lui faire comprendre la triste réalité du monde…
Il faut s’accrocher pour terminer ce roman sans aucun chapitre, sorte de journal intime aux accents parfois de galimatias, où la narratrice de l’histoire passe sans cesse du coq à l’âne dans une urgence vitale d’écriture. Une fois admis le contexte, on comprend mieux le pourquoi de cette façon d’écrire assez déroutante au départ. Marie Darrieussecq nous dépeint une société futuriste bien sombre, un monde qui n’est pas sans rappeler celui d’Isaac Assimov porté au cinéma dans I, Robot, mais aussi celui de Clones. Avec, peut-être malgré tout une lueur d’espoir: séparés de leur matrice, une fois l’apprentissage de la marche, de la parole et des fondamentaux, les « moitiés » se comportent comme des êtres humains normaux, se regroupants entre eux, ne pensant qu’à la vie dans ce qu’elle a de plus basique: manger, boire, dormir, faire l’amour. Un nécessaire renouveau de la civilisation?
Je remercie les éditions Folio pour leur confiance