On prête souvent à Poe un univers macabre et obscur, mais c'est en lisant sa bibliographie entière (à peu de textes près) d'une traite que j'ai réalisé que cet aspect de lui n'est qu'une parcelle assez réduite de son œuvre, à mon plus grand regret.
On ne le voit jamais autant briller que dans ce second recueil qui contient la plupart des nouvelles qui ont fait sa réputation, avec le sordide chat noir, la Chute de la Maison Usher, le Cœur Révélateur, le Puits et le Pendule ou encore William Wilson. Certaines moins connues font aussi un excellent effet, et je n'ai clairement pas boudé mon plaisir devant le masque de la mort rouge, le Roi Peste, Bérénice, la Barrique d'Amontillado et le diptyque Ombre et Silence.
Poe n'est jamais aussi bon que dans les ténèbres, là où l'intérêt et la pertinence de ses nouvelles de science-fiction (surtout présentes dans le premier volume), ses dialogues philosophiques vaguement lyriques quand ils ne font pas bâiller et ses farces satiriques ennuyeuses n'ont pas survécu à l'épreuve du temps. Sans oublier bien entendu les textes uniquement rédigés pour satisfaire ses sympathies politiques de façon vachement grotesque et puérile, mais qu'y voulez-vous, Poe reste Américain malgré tout.
On considère souvent notre homme comme un précurseur de l'horreur moderne, les cliques lovecraftiennes et tout, mais il m'évoque surtout un Tim Burton du 19e, avec une volonté de mêler macabre et humour, sauf quand il a vraiment envie d'être juste breusson un coup de temps en temps et de faire gémir de plaisir l'emo-incel bien enfoui quelque part en nous par la même occasion.
Finalement, Poe est surtout reconnu pour un aspect pas si prédominant de son œuvre, et à raison : c'est là seulement qu'il excelle, alors que pour le reste on se demande ce qu'il a à nous faire chier avec ses histoires de hollandais démocrates. Moi qui aurais tendance à encourager le zèle et la curiosité dans toutes circonstances, je vais faire exception ici : lisez de Poe ce pour quoi il est réputé, et passez-vous du reste bien volontiers.