Retraité veuf et sans enfant, Henri habite seul un pavillon modeste, dans une ville du Val de Marne. Sa vie sans histoire bascule lorsqu'il se met en tête de retrouver lui-même l'adolescente qu'il soutenait scolairement et qui a disparu, sans que personne - même pas ses parents - ne s'en émeuve. Entre les bandes rivales qui se partagent dans la violence le contrôle du secteur, des forces de police pas toujours exemplaires et une population pétrifiée dans une prudente et impuissante neutralité, Henri découvre l’envers du décor de sa ville. L’irruption de cet électron libre bouleverse rapidement l’équilibre des forces en présence, et déclenche une cascade de conflits et de règlements de compte menant tout droit à un véritable bain de sang.
D’emblée cueillis par le langage des banlieues qui donne le ton à toute la narration, les lecteurs les plus classiques devront d’abord faire le deuil de leur plaisir stylistique pour se plonger dans cette histoire. Pour franchir le pas, peut-être pourront-ils se consoler en adoptant l’ouverture d’esprit de l’ethnologue prêt à toutes les découvertes et expériences. Saupoudré de détails volontairement désarçonnants, le début de l’intrigue finit en effet par piquer la curiosité, et c’est, malgré tout, sans plus trop traîner des pieds, que l’on fait plus ample connaissance avec les faux airs eastwoodiens d’Henri, vieil ours mal léché déterminé à ne pas se laisser impressionner dans la défense de ce qu’il s’est fixé comme bonne cause.
Malheureusement, de bagarres en pugilats plus violents et sanglants les uns que les autres, le tout assaisonné de scènes outrageusement trash - dont l’une en particulier a failli devenir celle de trop et me faire refermer ce livre avant la fin -, un écoeurement de plus en plus insupportable est venu chez moi étouffer peu à peu tout autre ressenti de lecture. Peut-être pourrait-on y voir matière à adaptation pour l’un de ces films imbibés de testostérone qui cherchent à se démarquer par toujours plus de sensationnel. Mais, même dans ce cas, je ne suis pas sûre que l’on garderait à l’image tout ce que ce texte inflige à son lecteur. Au moins le cinéma fait-il usage d’avertissements pour les publics sensibles, ce qui n’est pas le cas de la littérature…
Rares sont les romans qui ont jamais suscité en moi une telle réaction de rejet. Seule une qualité littéraire d’exception aurait pu faire passer ce que le fond comporte à mes yeux de rédhibitoire dans le gore et le trash, comme réussit à faire l’étonnant Ordure d’Eugen Marten. En l’occurrence, il s’agit ici, en ce qui me concerne, d’une rencontre ratée : ce livre ne m’était manifestement pas destiné.
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