"Oblomov eût bien apprécié la propreté, mais à condition qu'elle s'installât d'elle-même, sans qu'il s'en aperçoive."
- Avouez que cette phrase est irrésistible! -
J'ai vaincu. J'ai lu Oblomov de Ivan Alexandrovitch Gontcharov. Classique de la littérature russe du 19ème. Presque 500 pages en police 7. En 3 jours. Et ce n'était même pas une torture. Je me sens cultivée et solide.
En 475 pages, on a soit le temps de s'ennuyer bien comme il faut, soit le temps de s'attacher aux personnages coûte que coûte. Je fais partie de la deuxième catégorie de gens.
Oblomov me ressemble énormément. Ces longues réflexions actives ou dans la lune, cette procrastination, cette lenteur, cette appréhension du monde extérieur... Il y a un mot pour ça : oblomovchtchina/oblomovisme. Terme péjoratif ou mélioratif? Je m'en moque. C'est un mot fort, inspiré d'un personnage extraordinaire. J'ai eu l'impression tout au long de ma lecture de mettre des mots sur des choses floues que je ressens. Un peu comme cet échange qui m'a troublée (et qui à mon avis a également troublé un précédent lecteur du livre que j'ai emprunté à la bibli, car ce passage était encadré au crayon de papier) :
"- Non, Andreï, dit-il, je n'ai peur ni de l'amour, ni de la haine, mais je n'irai tout de même pas chez vous.
- De quoi as-tu donc peur?
- J'ai peur de l'envie : votre bonheur me sera un miroir où je verrai ma vie amère et éteinte, que maintenant je n'aurai plus la force de changer."
Ilia Ilitch Oblomov m'a tout de suite charmée, dès les premières pages du roman. Malgré toutes ses péripéties, il m'attendrissait énormément. A 35 ans, il est déjà fané et épuisé par la vie. Mais attention, il n'est ni suicidaire, ni dépressif (ça m'a frappé, ce mot n'apparaît jamais dans le récit - à part à la toute fin et la "dépression nerveuse" concerne Olga). Personne ne réussit à le sauver, même pas son meilleur ami Alexeï, et puis de toute façon il n'a rien demandé. Lui, il veut juste dormir (d'ailleurs il reste couché sur son divan pendant la première centaine de pages, et c'est même pas ennuyant), se plaindre, grogner sur son fidèle serviteur Zakhar et manger de la bonne chair. Ce qui serait un "idéal de vie" pour lui (et je mets des pincettes car on se rend vite compte que ce n'est pas si simple) est considéré comme anormal pour son entourage. Encore une fois, il n'a rien demandé à personne.
Bon, comme il faut trouver des points négatifs, les voici : le roman est tout de même un peu long faut pas déconner, certains passages deviennent vite blablatesques et lents (je pense surtout à toute l'histoire d'amour avec Olga qui prend beaucoup de place et qui est vraiment frustrante. moi, la fausse pudeur et la fausse honte du baise-main d'autrefois ça me gonfle). Et voilà. Beau score, Gontcharov. Chose suffisamment rare pour le mentionner : j'ai même commencé à sangloter à la toute fin.
C'était divin Saint-Pétersbourg.
(Petit clin d'oeil à Gizmo, j'ai eu la chance d'être très bien fournie : édition Bibliothèque L'âge d'Homme, traduction par Luba Jurgenson. Version excellente... Je vais boycotter les Folio, et acheter l'édition Robert Laffont avec "La Frégate Pallas" en supplément et surtout Guillaume Gallienne en couverture... bâââh on s'refait point.)