Le recueil de vingt-sept odes et prières forme une reprise lyrique des Évangiles dont le Christ est le cœur vivant. Il converge vers la Résurrection, thème central de plusieurs poèmes. Ainsi :
"Au bout de ces trois jours passés dans la nuit du tombeau...
Avec une vigueur énorme, véhémente, / j'ai combattu le pouvoir de l'Enfer,
réunissant toutes mes forces, par la grâce / d'un seul espoir infiniment fertile."
Dans Épiphanie, la résurrection de Lazare reprend le même thème :
"Ressusciter le cadavre muet, / rendre la vie au corps inerte,
lui imprimer le sceau d'une nouvelle vie.
Brisé, le sceau de la Mort... abolie, / la maladie du Mal... anéanti, l'Enfer..."
Deux odes chantent aussi cette résurrection : "Allons réveiller Lazare,
Lazare, mort il y a quatre jours. / Car cette mort est porteuse de vie,
cette mort nous annonce la venue / de l'Inimaginable."
Jésus arrive devant le tombeau : "Soulevez cette pierre !"
"Sors de terre, Lazare, ouvre l'oreille, écoute / la voix qui ressuscite !"
"Le mort est sorti de sa tombe..."
La foule des témoins fêtent le Purificateur, l'allégresse les transporte : la mort est vaincue.
Une définition de Dieu place parfois une Ode sur une orbite théologique :
"Dieu se créa lui-même, hors du vide / intemporel, hors de l'insondable néant,
issu de ses propres entrailles, Dieu / se fit inconcevable, sans limites,
ne cessant de croître, / se diffusant à l'infini,
il parvient à nous, immuable, éternel."
Ou : "Dans son essence l'Être / se nomme Dieu, l'Être dont l'existence
est tout ensemble immuable et sans bornes,
absolument unique et semblable à Lui seul.
Sans égal et toujours le même,
à la fois triple et singulier : telle est sa gloire."
L'ode la plus longue, Épiphanie, se divise en trois poèmes :
Un chant d'allégresse célèbre d'emblée le grand Mystère : le Christ, et rend grâce au Père, à Gabriel, à la Vierge Marie, à Jean-Baptiste, à l'engeance humaine qui "a vu l'Esprit sous la forme d'une colombe." L'ode lyrique déborde de joie, l'exultation inonde comme une crue du Jourdain.
La troisième partie commence par un portrait de Jésus :
"C'est le fruit de la même substance que l'arbre,
un dieu de chair, né de l'immatériel. / C'est de l'inexistence
Qu'il tira sa réalité, / image réelle de la Béatitude.
Humble reflet de la sainte Euphorie."
Dans les Odes à la Nativité et à la Vierge, écrites dans sa jeunesse, le ton suave me semble doucereux. Les poncifs surabondent : "pluie de lait", "douce rosée", "averse d'amour"... A ces vers de ciseleur peu inspiré, je préfère la prose sauvage et rythmée des Prières. Quand Grégoire regrette d'être né : "Joignant ma voix à celle de Job, ne devrais-je pas gémir : ah ! puissé-je n'avoir jamais été inscrit sur le registre des naissances... au lieu de quoi me voici sans relâche assailli, poursuivi, traqué, pris à la gorge..." Ou quand il dénonce ses lamentations d'homme tiède : "je me lamente, je crie, j'épanche ma douleur... ni tout à fait mort, ni tout à fait vivant, ni vraiment détaché de ce monde, ni vraiment relié à Dieu (...) je ne brûle ni ne gèle, je ne vis ni ne meurs..."