On peut aimer l'Odyssée ou être con.
Il n'y a pas d'alternative. Mais dans un cas comme dans l'autre il n'y a pas non plus d'interdiction.
D'abord, il y a Homère, poète légendaire dont la modernité demeure troublante. Ce récit incroyable par sa structure basée sur l'analepse - n'est-ce pas là le premier flashback de l'histoire de la narration - sa poésie romanesque et sa qualité historique pour ce qu'elle nous dit des mœurs brutales ou charitables de la société grecque de l'antiquité. Il y a Ulysse, bien sûr, aux mille ruses, à la virilité patente jusqu'à l'infidélité, un héro bien grec mais tellement humain à la fois. Il y a Pénélope surtout époustouflante de dignité et de persévérance fidèle, Pénélope qui inspirera le texte magnifique d'Ovide (cf. Les Héroïdes). Pénélope bouleversante de perfection dans son amour pour un époux parfois médiocre. Il y a la traduction de Jaccottet enfin, dont la puissance galvanise celle d'Ulysse. Solennité sans pompe. Et juste, toujours. Sans cette oeuvre intemporelle pas de latins, pas de chansons de geste, pas de roman, rien. C'est le père de tous les livres (avec quatre autres dont un du même auteur). Alors, on peut ne pas aimer parce que nos attentes ne sont pas comblées, mais devant ses siècles d'objective vénérabilité qui nous contemple, le respect impose le silence.