Oeuvre poétique par Cathyfou
"Elle saute, chemise en flammes,
d'étoile en étoile,
d'ombre en ombre.
Elle meurt de mort lointaine
l'amoureuse du vent."
* * *
La poésie d'Alejandra Pizarnik est un songe de verre parfaitement ciselé, tentant de contenir toutes les contradictions dans son orbite fragile. Elle n'échappe pas aux poncifs, surtout romantiques, ni aux paradoxes faciles (ombres lumineuses, lumières ténébreuses, paroles du silence, etc.). Elle n'échappe pas à une certaine pauvreté, due peut-être à sa perfection formelle, aux trop grands silences jetés entre les mots, à la brièveté des textes. Elle est abstraite, "amoureuse du vent", insulaire.
"prends garde mon amour prends garde
à la silencieuse dans le désert
la voyageuse au verre vide
prends garde à l'ombre de son ombre"
Néanmoins, la poésie d'Alejandra Pizarnik est loin d'être réductible à la figure de l'amoureuse éplorée (et éthérée) sous laquelle on serait tenté de la placer. Elle n'est pas désincarnée. La présence du corps est perceptible à travers quelques indices : le souvenir de la sensation, la couleur des morts. Il est toujours un avoir été.
"Et j'ose encore aimer
le son de la lumière à l'heure morte,
la couleur du temps sur un mur abandonné."
Il arrive parfois que des phrases mortes retiennent en elles la plénitude d'une sensation. Comme des reliques, si l’on veut. Avec des moyens fragiles, des contradictions tendues, des images rebattues. Faillibles, peut-être, et presque vides. Mais ce « presque » est souvent ce qui fait de quelques mots un poème.
« un faible vent
peuplé de visages fermés
que je découpe en forme d'objets à aimer »
Alejandra Pizarnik trahit. Sa poésie est aussi transparente qu’elle est chargée de références bibliques. Les vers sont libres, et pourtant si travaillés qu’on peut les trouver presque rigides. La voix est un fil ténu et un incendie. Les thématiques de la disparition et de l’indistinction hantent les textes jusqu’à l’obsession, et cependant, la couleur est omniprésente.
S’il ne restait que l’ombre, la lumière et la couleur … La poésie de Pizarnik y tend, mais y parvient-elle toujours ? C’est à chaque lecteur d’en décider.
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P-S : Critique inspirée par une amie que je salue au passage.