J'ai lu "Oh..." juste après avoir (enfin) lu King Kong Théorie. Je crois que le hasard fait parfois bien les choses.
"Oh..." c'est Michèle. Et Michèle, ça pourrait être n'importe laquelle d'entre nous. La cinquantaine, elle a mieux réussi sa vie pro que sa vie familiale. Son ex est autant casse pieds que son fils est ingrat. Par ennui, elle couche avec le mari sa meilleure amie, qu'elle aime comme une soeur et se déteste pour ça. Sa mère, une vielle cougar refaite de la tête aux pieds, vit à ses crochets, et son père est interné depuis 30 ans pour avoir massacré 70 enfants dans un club Mickey.
Elle cumule un peu, c'est vrai. Peut être un peu plus que la moyenne.
Pour couronner le tout, dès les premières pages du roman, elle se fait violer. Un vrai viol dans toute sa banalité. Parce que oui, un viol, c'est banal. Et la manière dont elle réagit à cette agression aussi est banale. Loin de tout ce romantisme qui veut que la femme violée devienne soit une petite chose fragile rongée par la culpabilité, soit un monstre obsédé par la revanche. Son viol, elle apprend à vivre avec. Et la scène ou elle se masturbe pour la première fois depuis son agression et qu'elle pleure de joie quand elle voit qu'elle peut jouir même après ça est particulièrement émouvante. C'est donc ça: on peut vivre après un viol. On peut continuer à être forte, à gérer ce qui doit l'être et continuer d'avancer. On peut être en paix avec soi-même, même après cette brisure. On peut continuer à faire des erreurs et à se planter. La vie continue. Elle ne s'arrêtera pas après un viol. Elle continuera à distribuer les cadeaux et les coups de pute au petit bonheur la chance. Alors autant ne pas s'attarder. C'est peut être la première fois que je lis ce genre de point de vue dans une oeuvre de fiction, et je trouvait ça suffisement honorable pour être souligné. D'autant que ça vient d'un homme.
"Oh..." semble se passer dans la tête de Michèle. Ce sont ses pensées qui font avancer le roman. Des phrases courtes, simples (parfois trop), efficaces. Une tendance à l'ellipse et aux associations d'idées qui font penser à ce que la mémoire peut sélectionner en fonction des circonstances.
La lecture de "Oh..." n'est parfois pas évidente. Mais vivre avec ses pensées et ses idées ne l'est pas non plus.
Je me demande ce que Despentes penserait de ce bouquin...