Vous êtes peut-être l’un de ces individus enthousiastes pour les toutes petites choses, à la manière d’un Philippe Delerm — quoique béat, mais néanmoins bien conscient que notre existence est terriblement morne. Je n’en suis pas. Ou du moins, il m’est difficile d’en être, à tel point que je finis par écrire une critique sur quelque chose qui ne m’a vraiment pas plu. Faux-enthousiaste peut-être ? Ou même frustré passionné direz-vous ? Les caractères ne manquent pas, mais je vous laisse seul juge.
Michèle est lasse. Son existence ne rime plus à rien. Et un peu comme nous en fait. Sauf que pour Michèle, c’est quelque chose de bien particulier qui va la ranimer. Violée, elle commence par le cacher, ou du moins, à ne pas l’exprimer. Turpitude bien étrange, jugera le lecteur. Oui, mais, notre quinquagénaire éteinte par l’âge ne va que rechercher à provoquer ce qu’elle n’avait jamais ressenti auparavant. Une forme de syndrome de Stockholm bien particulière, bien plus perverse, mais visiblement bien moins dangereuse.
Sexe, vagins, phallus, bestialité et transpiration (et sans même prononcer le mot de sadomasochisme — même si, je viens de le faire). Résumons la littérature française contemporaine. La pauvreté de l’existence — sans même rejoindre un nihilisme bien plus consistant — alliée avec un allégement de l’écriture, montre qu’il est possible d’obtenir des prix sans se donner beaucoup de peine. Et même si la littérature est l’occupation des oisifs, les lecteurs préfèrent rompre l'ennui plus agréablement. Mais, certains aiment joindre l’utile à l’agréable (comme le petit bonhomme que vous avez croisé ce matin dans les transports, avec le dernier Renaudot dans les mains) juste pour passer le temps, ou même pire, pour la simple « culture confiture ». Ca en dit (très) long sur les gens que l’on peut croiser.
Aussi, un monsieur que j’ai plutôt en estime, a écrit : « ce qui fait la marque d'un grand romancier : la capacité de montrer, sans jamais juger. » (tout en parlant de Ph. Djian pour son livre « Oh… »). Vraiment ? Oui, en bon psychanalyste, l’auteur nous dit que son personnage n’a pas eu une enfance très drôle. Et même, que toute sa vie n’a été qu’un enchaînement de futilités. Le diagnostic est posé. Le remède ? Le sexe, oui, l’antidépresseur de nos maux contemporains. Mais, pas certain que ça fasse un bon roman — ni même un bon romancier.
Le livre est court, il fait passer le temps. Mais même en pleine lecture, l’existence est tout aussi déprimante qu’insipide. Michèle, un bien laid visage creux. Parce que la Michèle de Djian, c’est un peu ce que Flaubert pensait mettre dans sa Emma Bovary : de lui-même.