Arrivé à 15h30 au cinéma Le Balzac, avenue des Champs-Elysées. Le hall du cinéma est déjà empli par des dizaines de gamins entourés de leurs nurses du mercredi après-midi. Tout ce beau petit monde prend place calmement dans la salle sombre. Les enfants, armés de leurs sacs rouges garnis de friandises en tous genres, continuent d’exaspérer les adultes qui les accompagnent. Le film ne commence pas. Non, il ne commence pas : deux jeunes femmes ont préféré leur parler du dessin animé, avant même que les lumières ne s'éteignent. Pédagogues, elles introduisent le film en posant des questions aux jeunes têtes blondes agitées.
Quelqu’un peut-il me dire qu’est-ce qu’un film d’animation ?
Aventureux et confiant, un jeune enfant lui répond. Eh bah... un film d’animation, c’est avant tout un film pour les enfants.
La présentatrice, intriguée par notre présence dans cet amas de jeunesse parisienne (germanopratine, disons-le avec toute franchise) répond sur la négative. Un film d’animation ne s’adresse pas nécessairement aux enfants. Et pour cause, on se trouve ici avec un film réalisé par le (grand — adjectif employé par elle-même) Wes Anderson. Affable, elle voulait en réalité signifier que sa réponse était d’une ineptie sans nom, et qu’un film de Wes Anderson, qu’il soit animé ou non, n’était pas un film comme les autres. La nuance était très subtile, et le môme allait sans nul doute la ressentir en sortant de la salle.
Vous avez senti — je suppose, non sans difficulté — la grandeur de mon syndrome wesandersonien. Malade, je n’avais pourtant encore pas vu Fantastic Mr. Fox. Ce film était pour moi la seule folie permise par le réalisateur, qui nous avait pourtant déjà montré dans plusieurs de ses films des scènes animées fantaisistes et réussies à la sauce wesandersonienne (vous sentez l’apparition dans le Larousse 2016 ?).
Wes ne part pas de rien. Son histoire se base sur le roman de l’écrivain Gallois Roald Dahl, Fantastique Maître Renard. Par-delà l’oeuvre cinématographique et littéraire, on pense de suite aux fables d’Esope et de La Fontaine, et de la figure du renard malicieux, rusé et néanmoins défini par sa nature d’animal sauvage. C’est cette symbolique du renard qui permet de construire le protagoniste du film, ou plutôt la composante même de l’intrigue du film. En effet, ce Mr. Fox, défini comme un voleur de poules, décide, après que sa femme lui déclare attendre un jeune renardeau, d’arrêter de voler pour devenir journaliste. Pourtant, plus grand est le désir naturel du renard : il entreprend de voler chacun des trois propriétaires humains, vilains du film, Boggis, Bunce et Bean. Et là, en un seul instant, on nous présente les éléments qui font la réussite du film. Wes Anderson ne se laisse pourtant pas prendre au jeu de réaliser un film d’animation au schéma simple et efficace, mais aborde, comme pour tous ses films, des thématiques fortes : la relation père et fils, la famille, la communauté tout entière, l’entraide. Tout un ensemble qui offre finalement aux spectateurs un grand moment de cinéma. Le réalisateur sert tout aussi bien les plus jeunes comme les adultes.
Il agrémente également son film d’une bande son fantastique. Notre compositeur national réalise ici des musiques qui ne viennent pas s’ajouter sur le film, mais qui viennent le compléter avec intelligence et humour. Ne retenons que la chanson Boggis, Bunce and Bean, one fat, one short, one lean qui même en VF a fait rire plus d’une personne présente dans la salle de cinéma.
C’est tout ce mélange qui fait que l’on apprécie le style cinématographique du bonhomme. Alors Monsieur Anderson, nous avons hâte de découvrir la suite de votre filmographie.