Le chalut dans la fuite
Le thème de Oiseaux de tempête, très court roman d'Einar Karason, est très simple : il s'agit du combat de 32 marins contre une terrible tempête au large de Terre-Neuve-et-Labrador, en février 1959...
le 8 juin 2021
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Février 1959. Parti rejoindre les zones de pêche de Terre-Neuve en mer du Labrador, le chalutier islandais Mafur s’apprête à rentrer les cales pleines, quand une soudaine et violente tempête le surprend. Aux déferlantes et aux creux de vingt mètres, s’ajoute un froid polaire qui pétrifie les paquets de mer en une carapace de glace de plus en plus épaisse, alourdissant et déséquilibrant le bateau jusqu’à menacer de l’envoyer par le fond. Pour les trente-deux hommes à bord commence un terrible combat, aussi périlleux qu’harasssant. Il leur faut coûte que coûte délester le navire, quitte à sacrifier chaloupes et bossoirs, mais surtout en brisant sans répit cette glace qui se reforme aussitôt. Les jours passent sans accalmie. Les appels de détresse des autres chalutiers présents sur la zone se taisent les uns après les autres. L’épuisement et la folie du désespoir commencent à gagner les hommes du Mafur…
C’est avec une précision quasi documentaire qu’Einar Karason évoque cette dantesque aventure du Mafur et de ses hommes, directement inspirée de ce que vécurent plusieurs chalutiers islandais lors de la tempête historique qui balaya Terre-Neuve en février 1959. Le plus grand réalisme préside au récit, et l’on y parvient sans peine à réaliser les dures conditions de ces grandes campagnes de pêche, avant de se retrouver plongé dans l’écume, la glace et l’épouvante d’une tempête infernale. La description sidère d’autant plus qu’elle se déroule implacablement, sans la moindre trace de lyrisme ni d’émotion, immergeant le lecteur dans un irrésistible maelström d’où n’émerge bientôt plus que la terrifiante perception de l’insignifiance humaine face à la toute puissance des éléments et de la nature.
Pourtant, dans cet incontrôlable déchaînement, si certains des hommes craquent, la majorité fait face avec le courage et l’énergie du désespoir. Là encore, la sobriété du récit fait ressortir avec d’autant plus de netteté le caractère de chacun. Entre la jeune recrue qui entreprend ici sa première et dernière navigation, le maître d’équipage dont la vie à terre est un désastre mais le comportement à bord absolument héroïque, le capitaine incapable de prendre le moindre repos tant que dure le danger, et le coq imperturbablement concentré sur l’indispensable continuité de ses services, c’est une galerie de portraits d’une formidable présence et d’une convaincante humanité qui prend vie sous la plume d’Einar Karason, dans un magnifique hommage à ces hommes de la mer.
Le puissant réalisme de ce roman court, sobre et intense, en fait un témoignage saisissant des conditions vécues par les terre-neuvas. Il se lit d’un trait, pour une immersion totale et spectaculaire dans une histoire de mer et d’aventure extrême d’une grande authenticité.
Créée
le 21 mars 2022
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