Même si On m’appelle Demon Copperhead est inspiré du David Copperfield de Charles Dickens ( avec lequel le jeune protagoniste partage les mêmes initiales), Barbara Kingsolver est parvenue à en faire une œuvre bien américaine ancrée dans la réalité de ce territoire redneck ( rural, pauvre et déshérité pour ne pas employer des adjectifs plus péjoratifs). Son personnage,que le lecteur suit de sa naissance jusqu’à sa majorité, est emblématique de cette enfance mal née ( issu de famille mono-parentale avec des problèmes d’alcool, de drogue cantonnée à leur lieu de vie qu’ils ne quittent jamais).Au lieu d’uniquement dépeindre la triste réalité de Demon, Barbara Kingsolver en fait un être résilient où chaque coup dur, chaque épreuve est une occasion de ne pas flancher et de rebondir. C’est cette force de vie qui fait que vous ne lâchez pas le livre et vous fait réaliser que vos propres épreuves n’ont pas été aussi terribles que ce gamin déshérité des Appalaches. J’ai adoré aussi la faculté de Demon à faire jaillir de lui-même son potentiel dans le dessin ou dans le sport et d’en retirer des étincelles de vie remarquables l’aidant à grandir. Barbara Kingsolver n’hésite pas non plus à retranscrire dans les années 90, une galerie de personnages odieux et irrécupérables dont l’unique dessein est de manipuler les autres et de les exploiter jusqu’à la moelle ( à l’image de Fast-Forward, en apparence séduisant joueur de football américain s’avérant un dealer et un proxénète sans scrupules). Hommes et femmes sans qualités en prennent autant pour leurs grades, leurs circonstances n’excusant pas leurs choix bas et médiocres. L’autre réalité abjecte décrite par l’écrivaine, c’est l’effet dévastateur des opioïdes en milieu rural, où la population jeune est devenue accro à des anti-douleurs faute d’implication médicale ( où certains docteurs devenaient en connaissance de cause des relayeurs d’addictions). Des moments de narration éprouvants dans le livre où l’impuissance de Demon face à la déchéance physique et mentale de sa petite amie Dori est épouvantable. Barbara Kingsolver vous livre un itinéraire sans concessions, faite de rires et de larmes, à l’image de la vie jalonnée d’impasses chroniques ou d’ouvertures inespérées.C’est un livre que je conseille donc à des amateurs de lecture « totale » , n’ayant pas peur d’aller au plus insidieux de la nature humaine. L’épilogue ravit car il fait passer la lumière et fait envisager l’avenir plein d’espoir pour la première fois pour Demon et sa jeune existence. Un très bon moment de littérature en tous cas qui vous bouleverse, vous fait ouvrir sur des réalités américaines plus inédites en Europe, et vous incite à ne jamais perdre espoir.

Specliseur
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Un livre en 2024

Créée

le 11 nov. 2024

Critique lue 5 fois

Specliseur

Écrit par

Critique lue 5 fois

D'autres avis sur On m'appelle Demon Copperhead

On m'appelle Demon Copperhead
Ben-Hardo
9

Damon from Appalachia

Qu'est-ce qui m'a fait acheter ce livre, peu après sa sortie (traitement que je réserve à une poignée d'auteurs/autrices) sachant que je n'avais jamais entendu parler de Barbara Kingsolver, ni de son...

le 1 juin 2024

3 j'aime

On m'appelle Demon Copperhead
bonnie1960
9

Dickens à la sauce américaine

Avant tout, mon petit clin d'oeil nostalgique.Je découvre Barbara Kingsolver en 1996 avec son premier roman : "L'arbre aux haricots", l'histoire d'une jeune femme quittant son Kentucky natal à la...

le 6 mars 2024

3 j'aime

On m'appelle Demon Copperhead
Kittiwake_
10

Critique de On m'appelle Demon Copperhead par Kittiwake_

Grosse claque encore une fois avec ce nouveau roman de Barbara Kingsolver, doté du prestigieux prix Pulitzer !On est d'emblée happé par la logorrhée de ce gamin, qui n'est pas né sous une bonne...

le 9 mai 2024

2 j'aime

Du même critique

Eiffel
Specliseur
8

Un biopic alternatif remarquable

Ce qui marque d’entrée dans Eiffel est la qualité des scènes d’époque du côté de Bordeaux où de Paris. Martin Bourboulon effectue une mise en scène épatante où chaque détail compte. Les extérieurs de...

le 13 oct. 2021

40 j'aime

Paddington
Specliseur
7

Un petit ours débonnaire dans un film drôle et optimiste

Je comprends mieux pourquoi nos voisins britanniques ont une affection si particulière pour Paddington.Ce petit ours péruvien et déraciné qui débarque à Londres a déjà un regard naïf mais pas tant...

le 14 déc. 2014

25 j'aime

3

#JeSuisLà
Specliseur
7

La destination plus que le voyage

Jesuislà est un film retors car les vingt premières minutes du film ne vous préparent volontairement pas à ce qui va suivre. En effet, le spectateur a tout juste le temps de se baigner dans la vie de...

le 7 févr. 2020

19 j'aime