La louange affermit notre orgueil, cependant que notre orgueil nous certifie la sincérité de la louange. Car c'est un préjugé de croire qu'on ne peut partager les préjugés que par préjugé.
Je viens de m'abonner à la collection "Romans Éternels" par CRANFORD Collection, qui propose une sélection de 60 romans cultes qui ont révolutionné l'univers féminin à travers une édition victorienne intemporelle et évocatrice datant de la fin du XIXe siècle remis au goût du jour par le biais d'un hommage littéraire intégralement porté par des femmes qui ont marqué toute une époque. Des écrivaines visionnaires qui ont su faire perdurer à travers le temps par le biais d'une imagination aristocratique et affinée mêlée à une écriture raffinée des héroïnes intemporelles qui ont su briller, inspirer et survivre à une époque où celles-ci étaient encore réduites par un patriarcat largement dominant. Des classiques de la littérature considérés comme de véritables trésors révolutionnaires et universels dressés par des femmes libres qui ont osé prendre la parole pour nous plonger dans les arcanes féminins. Une collection rayonnante illustrée à travers des livres magnifiquement soignés avec des couvertures d'une beauté étonnante laissant libre cours à de superbes décorations florales inspirées des ravissants motifs naturalistes d'époque, subtilement colorisé avec un marquage au fer à dorer délicat dont en ouverture de page une magnifique illustration, qui font des ouvrages de cette collection des pièces uniques luxueuses, et distinguées. J'entreprends de lire et de critiquer tous les livres dans leur ordre de parution.
Pour le numéro 1, on commence fort avec Orgueil et Préjugés de Jane Austen.
Nous sommes vers la fin du XVIIIe siècle, lui c'est '' Orgueil ''(Darcy), elle c'est " Préjugés '' (Elizabeth), tous deux incarnent une vision moderne de l'amour conjugal via une bourgeoisie provinciale en vase clos où le bien paraître régit par les affaires d'argent et de mariage sont primordiaux. Avec Orgueil et Préjugés, la rebelle et anticonformiste Jane Austen, une des écrivaines les plus louangées de l'histoire, offre une satire ironique des mœurs d'une société patriarcale située en Angleterre. Une aristocratie britannique au milieu trompeur où les rangs sociaux se confrontent, entre une élite bourgeoise incarnée par des petits propriétaires aux idées préconçues, et une bourgeoisie supérieure incarnée par des détenteurs arrogants extrêmement fortunés, chacun réuni par une même complaisance et suffisance à la hauteur du mépris et de l'ignorance de chacun.
C'est avec un plaisir non dissimulé que Jane Austen nous livre sur fond d'intrigues matrimoniales un récit aux multiples rebondissements dans lequel elle s'amuse à dénoncer le bien paraître des gens de bonne famille en démontrant le poids des préjugés de classe ainsi que les commérages qui sont monnaie courante dans un milieu à la surface idyllique, qui en son sein dresse les limites et le risible des conventions d'usages autour d'une aristocratie qui se plie à des règles ridicules et qui se font rattraper par l'avancée du temps. L'évolution est en marche, à petite, petite, très petite dose.
Que voulez-vous, les habitudes sont dures !
Une description sociale fascinante et amusante soigneusement entretenue par une narration frivole et désuète faite de rituels et de bassesses, soigneusement entretenus par un contraste agreste et arcadien à travers des décors raffinés avec des élégantes demeures et autres châteaux qui sont là le lieu fascinant d'une prétendue liturgie cérémonieuse bourgeoise. Un jeu d'échecs en grandeur nature où chacun tire son pion à son avantage dans un jeu de manipulation qui se joue sur d'infimes détails durant des séances de thé, ou des cérémoniaux dansants, qui si sur un premier regard semblent innocents et conviviaux pour les hommes, n'est rien d'autre qu'une zone de guerre pour les femmes où tous les coups sont permis.
L'art de la guerre selon les femmes, une discipline qu'elles maîtrisent à la perfection. À chacun ses armes !
On est tous portés à faire la leçon aux autres, même si on ne peut leur apprendre que ce qu'il leur est inutile de savoir. Pardonnez-moi, et si vous persistez affaire l'indifférente, éviter alors de me prendre comme confidente.
Orgueil et Préjugés de par ce concept de guerre silencieuse si particulier dépeint une histoire d'amour bien loin des clichés, avec son sujet en surface à l'eau de rose qui en profondeur libère un parfum fétide et sarcastique à l'image des personnages gravitant dans cette sphère pédante. Un récit qui apporte beaucoup de fraîcheur via une véritable figure de style où l'on dit le contraire de ce qu'on veut faire entendre, tout en faisant comprendre que l'on pense l'inverse de ce que l'on dit. Cela a pour conséquence de présenter des chapitres très frustrants pour le lecteur à cause de l'attente et de la non-divulgation de certains éléments qui pourraient être simplement réglés si les personnages consentaient à être honnêtes les uns envers les autres ; et au même titre très jouissif et libérateur au moment où explosent les vérités. En résumé, cela tourne pas mal autour du pot ce qui peut être par moments assez chiant mais on se régale grâce à un point de vue cinglant et sans pitié exclusivement tourné vers celui des femmes.
Vive le beau sexe !
Lire Orgueil et Préjugés dans les années 2000 est très ironique et symbolique car si il est question ici d'honneur perdu et de raisons à devoir retrouver via des relations non consenties par les parents et par le mariage qui pourraient détruire la réputation d'une femme, jetant également le discrédit sur sa propre famille qui n'a d'autres choix que de renier leur enfant pour ne pas être rejetés, car ayant eu une simple relation sexuelle sans être mariée. Tout cela semble tellement irréel, anecdotique et disproportionné par rapport à notre époque où tout le monde couche à tout va sans être au préalable marié, ni même guidé par un sentiment amoureux. Il est fort à parier que les gens ayant vécu à cette époque seraient devant la vision de ce futur : horrifiés, scandalisés et affligés devant tant de débauches. En cela j'aurais adoré avoir l'avis de Jane Austen quant à cette prétendue libération sexuelle.
Pour le meilleur ou pour le pire ? Moi-même je n'en ai pas la réponse.
Orgueil et Préjugés pose un lot de personnages édifiants. On y suit Elizabeth Bennett (Lizzy) une femme avant-gardiste pour son époque se rapprochant certainement de ce qui se faisait de mieux en matière de féminisme, en étant une fille au caractère réfléchi et éclairé n'ayant pas peur d'assumer ses choix auprès des hommes ou d'une force supérieure (toutes proportions gardées), symbolisant un idéal féminin crédible d'une jeune femme ni trop belle ni trop moche, ni écervelée ni irréprochable, qui n'est pas aveuglément guidée par des caprices de jeune fille bourgeoise et fleur bleue. Entouré de ses quatres soeurs : Jane, Mary, Lydia et Catherine (Kitty) ; dont une mère particulièrement sotte (pour qui le mariage est la chose la plus importante pour l'élévation sociale de ses filles) qui ne tient pas sa fille Elizabeth en haute estime à cause de sa vivacité d'esprit, au contraire de son père qui la considère comme sa fille préférée. Son père Monsieur Bennett qui est un personnage que j'affectionne tant il m'a fait rire pour ses réactions posées et cette propension à toujours tout tourner en ridicule et en particulier sa femme. Les hommes sont essentiellement représentés par Mr Darcy (le beau gosse taciturne et énigmatique), Mr Bingley (l'honnêteté et la gentillesse incarnée), Mr Collins (l'idiot pas méchant profondément cérémonieux et lèche cul avec la haute bourgeoisie), et Wickham (l'antagoniste du récit qui comme par hasard est un pauvre, que voulez-vous on se refait pas), offrent divers portraits de la gent masculine que l'écrivaine ne s'amuse nullement à émasculer ou à caricaturer, présentant différentes facettes de ceux-ci.
Par contre je ne dis pas merci pour le manque de précision sur les surnoms donnés aux personnages féminins. Durant les 40 premières pages je ne comprenais strictement rien à qui était qui car on ne précisait le surnom de personne.
CONCLUSION :
Orgueil et Préjugé de Jane Austen de la collection '' Romans Éternels '' par Crawford collection, est un grand classique littéraire de caractère qui démontre qu'être une femme libérée dans un univers masculin n'est pas une chose facile. La romancière présente un idéal féminin intemporel autour d'une histoire d'amour à l'inverse des récits à l'eau de rose qui décrit la véritable facette d'une bourgeoisie anglaise qui pratique comme personne l'art de la guerre au féminin.
Jane Austen fait le portrait critique cinglant et ironique d'une société à un très haut degré patriarcal dans laquelle les femmes se battent avec les armes dont elles disposent.
Si triste que cette histoire puisse être pour Lydia, nous devons en tirer cette leçon pratique : la perte de la vertu pour une femme sans remède, un seul faux pas l'entraîne dans une ruine sans fin, et elle ne saurait être trop réservée dans son attitude face aux scélérats du sexe opposé.