Une lecture percutante
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Sylvie Meyer, la cinquantaine, a toujours gardé le cap sans se plaindre, continuant à assurer le quotidien vaille que vaille, même quand son mari l’a quittée un an plus tôt, même quand son patron a commencé à exiger d’elle des dossiers sur ses collègues en vue d’un plan de licenciements. Pourtant, un jour, sans prévenir, le vase se met à déborder : pour mettre fin à cette longue dérive qui l’a insensiblement mais irrémédiablement éloignée d’elle-même, pour sortir de cette existence qui désormais lui pèse comme un carcan, elle va disjoncter et commettre un acte répréhensible…
Rien n’est plus dévastateur que la violence silencieuse, celle qui mine de manière invisible, derrière la façade d’un quotidien apparemment anodin en réalité devenu peu à peu invivable. Sylvie est de ces femmes qui supportent sans rien dire, en serrant les dents, et dont le craquage surprend d’autant plus qu’il survient sans signe précurseur, brutal et total. Il faut dire qu’elle a encaissé au fil du temps de véritables traumatismes, dont l’un très ancien et toujours rejeté au plus profond d’elle-même : autant d’événements dont l’accumulation la retient de plus en plus loin d’elle-même et de ses valeurs profondes, comme prise en otage…
Le récit est bref et rapide, le style sans fioriture ni distanciation, utilisant le langage de tous les jours pour nous faire sentir cette lente marée du ras le bol et le seul sentiment de soulagement qui prévaut quand l’implosion se produit, totalement incompréhensible pour autrui. Ce qu’on pourrait qualifier ici de burn-out est un sursaut de révolte, une protestation qui finit par s’élever comme elle peut contre l’aliénation et la violence, parfois insidieuse, subie par cette femme de la part des hommes, dans sa vie privée comme dans sa sphère professionnelle.
Ce petit roman social, fulgurant et dans l’air du temps, ne peut laisser indifférent : violence faite aux femmes, violence dans le monde du travail, chacun trouvera un écho à ce qui le tient lui aussi en otage dans un quotidien souvent de plus en plus aliénant et déshumanisé.
Créée
le 10 mai 2020
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