Les années n'ont altéré ni son souvenir, ni sa rancœur, ni son amour. Alors lieutenant français en Algérie, un homme se souvient, et écrit à celui qui pour lui avait été non un simple mentor, mais un ami et un frère: le capitaine Degorce.
Il témoigne de son incompréhension, de ses doutes et de son engagement dans une guerre sale et violente. Des choix que la fin ne justifie pas, et des moyens qui se réduisent.
Face à son abnégation envers ce sens de la réalité, il observe les tourments de son capitaine, qui rend plus hommage à son captif, l'algérien rebelle Tahar, qu'à ses soldats.

La violence et la guerre, le capitaine Degorce les connait. Il a traversé nombre des affres du XXème siècle. Les camps de Buchenwald, la défaite à Dien Bien Phuh, et enfin la guerre d'Algérie.

A l'abri d'une villa en bord de plage, les hommes sont interrogés, torturés, poussés par tous les moyens à la délation.
Mais confrontée à ce déferlement d'actes barbares, sa raison s'érode.
Dans un rôle que plus rien ne justifie, il se surprend à agir par automatisme avec une efficacité non moins redoutable, d'une même voix défendant les victimes d'une violence inutile, et harcelant les rebelles.

Ce n'est finalement qu'auprès de son double inversé, Tahar le rebelle, qu'il trouve encore à s'abreuver à une source qui ne soit pas tarie.
Car au fond, les deux hommes sont unis par cette même conscience dramatique, celle que l'histoire les a poussés à de telles extrémités...la torture pour l'un, le terrorisme pour l'autre. Et finalement, lorsque l'on est pris dans le carcan d'une telle nécessité, que reste-t-il de la morale, de la conscience, du bien ou du mal?

Quand l'homme n'a plus d'espace commun à arpenter, de valeurs, et qu'il n'est plus mu que par une urgence compulsive, toujours impérative, qui lui ôtant jusqu'à sa faculté de jugement, dans une course sans pause ni réflexion, il perd sa conditions d'être humain, nous rappelle ce récit.

Sombrant lentement dans cet éther où la responsabilité de chacun se dissipe au profit d'une responsabilité collective anonyme, les hommes ne sont plus que les jouets de la nécessité...mais qu'est-ce qui fait nécessité? "Ce sont vos méthodes!" s'exclame le capitaine Degorce, "Ce sont vos méthodes qui nous obligent...Vous ne nous laissez pas le choix!...Comment voulez vous qu'on fasse?" "Ca c'est étrange, murmura rêveusement Tahar", "Qu'est ce qui est étrange?", "Oui c'est étrange, poursuit Tahar, moi, vous voyez, j'étais certain que c'était nous qui n'avions pas le choix des méthodes".
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le 6 mai 2011

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