Un monde aride, séché, où le soleil terrible efface tout espoir de vie à l'extérieur. Les tours, où les puissants font leurs affaires et s'égarent dans la réalité virtuelle. Les suburbs, où ceux qui sont tombés des tours fondent leurs sociétés instables et jalouses. Les caves, un étage sous la surface, où les rebuts s'entassent et survivent comme ils peuvent. Et quelque part entre tout ça, les pensions.
L'histoire de marquis commence dans l'une d'elles, un endroit où les enfants sont laissés à la charge de monos autoritaires jusqu'à leur majorité, jusqu'à ce que leur parents les rappellent près d'eux. Dans cette cage dorée, ils grandissent en communauté, étouffés par des règles et une éducation des plus barbantes. Ce qui amène une part d'entre eux à des dérives de plus en plus extrêmes. La musique au début, un punk futuriste sauvage et enflammé, dans lequel l'énergie seule importe, malgré le poids des paroles. Et puis la drogue, le sexe, beaucoup, tout le temps, avec tout le monde. Seule survie des "ruinés" - les parias heureux de la pension - les fous de musique qui créent leur propre monde pour contrer l'ennui et le vide, dans la défonce totale. Dans ce joyeux terreau, marquis fait son trou et devient symbole : musique, sexe et révolte. La rébellion germe dans la pension, et tout le monde se demande quand tout va exploser. En tout cas, à la fin, marquis s'en va.
Après cette première partie en vaste huis-clos, la carrière du chanteur exalté prend des tournants mouvementés alors que, atterrissant dans les caves, puis dans la suburb, il rencontre de nombreuses personnalités, toujours plus déroutantes. Il est haï, aimé, adulé, on le trouve ridicule, beau, insupportable, on espère jouer avec lui, ou juste le toucher du doigt, pendant que, taciturne et imprévisible, il poursuit son chemin. Avec son originalité, physique, musicale, son allure étrange, son insoumission naturelle, il dérange et fait bouger toutes les couches de la planète. Le pouvoir de la musique, eh ouais.
Je ne me focalise que sur le personnage central de marquis, parce qu'il est difficile de synthétiser l'étonnant mélange qui constitue ce livre : mélange de voix, qui s'expriment tour à tour à la première personne, en de courts paragraphes enchainés. Tous ensemble ils racontent un monde glaçant et enfermé, où le réel est à fuir et le virtuel un paradis ; où les noms perdent leur majuscule, qui va orner les mots de choses disparues (l'Herbe, ou les Chiens) ; et où la folle révolte de musiciens fait trembler tout le système.
Outrage et Rébellion n'est pas un livre très facile d'accès, à cause de sa narration éclatée, et du nombre très important de personnages, dont on ne peut pas retenir toutes les personnalités. Pourtant, une fois qu'on entre dans le jeu, on ne peut qu'être soufflé par la puissance et l'énergie que dégagent chacun de ces témoignages, et on sort épuisé et content, comme d'un bon concert.