Par les routes nous ouvre à l’espace joyeux de la rencontre soudaine, aux scories originales de l’humain dans toutes ses possibilités, dans toute sa bonté. Dans l’étroite intimité de l’habitacle porté par la vitesse, comme dans le calme apparent d’une petite ville de province, les destins se croisent et se répondent, les sentiments éclosent, la vie bourgeonne.
Tableau d’une France mouvante, conceptuelle. Une France d’autoroute, abstraite, sans paysage, celle que vivent certains sans jamais la connaître, celle que vivent ceux qui n'ont pas su choisir entre l’humain et la solitude. Une carte routière comme destination, des noms de villes sur fond bleu pour tout voyage. Un récit qui semble vouloir donner raison à P. Pollet-Villard « Dans un voyage ce n'est pas la destination qui compte mais toujours le chemin parcouru ».
Un rythme cadencé, parfois hachuré, nous tient en haleine dans cette quête fugitive d’un « moi » qui ne trouve sa raison de vivre que dans le « nous » qu’il forme avec l’étranger. Oscillant entre le calme de la stagnation et la frénésie du voyage, le récit nous plonge dans la spontanéité de l'expérience, et nous invite à voir plus loin qu’une barrière d’autoroute.
Un appel à la vie qui chante, à la vie simple. Oui, il est toujours possible de rencontrer, presque par hasard, des hommes et des femmes ouverts, touchants, aidant. Récit de trajectoires qui se percutent, de fragments d’humanité, de "presque" dont on se nourrit sans jamais vraiment se rassasier.
Un livre réussi qui nous embarque à 130 sur une route d’aspérités typiquement humaine. Sommes-nous faits de trous ou de pleins ? Cherche-t-on à créer du vide ou à remplir des creux vaille que vaille ? Des questions sous-jacentes auxquelles l’autostoppeur, dans sa simplicité et son amour instinctif du prochain, ne ressent pas le besoin de répondre. La vie passe et nous aussi, faut-il en faire un drame ? Fuite, mouvement, immobilité, réflexion : diriger sa vie à toujours était le plus grand souci des Hommes. Une interrogation existentielle pour laquelle la réponse se trouve, peut-être, par les routes.