Le projet d'Eric-Emmanuel Schmitt est aussi ambitieux et titanesque qu'il est complexe et difficile à mettre en œuvre. Raconter à travers les yeux d'un unique personnage une fiction nous faisant remonter aux premiers âges des hommes puis déroulant progressivement une intrigue qui mélange épisodes bibliques et faits ou personnages historiques.
Au début tout va bien, on se laisse emporter par la plume de l'auteur dont la fluidité et la richesse de vocabulaire font de sa lecture un moment fort agréable malgré quelques rares répétitions de figures de style. On découvre avec appétit et curiosité ce personnage qui vit à l'époque moderne mais qui a vécu le fond des âges et qui peut nous emmener sur les traces des premiers hommes, le récit débutant lorsque ceux-ci commencent à s'organiser en village, découvrant la sédentarisation et rejetant même assez violemment les tribus nomades.
Entre récit intimiste, puisqu’on le rappelle Noam sera le seul narrateur et tout est perçu à travers son regard (ce qui peut-être une critique du roman d'ailleurs, en ce qui me concerne), et roman "historique" nous permettant de contextualiser une période où les mœurs, la façon de vivre, les connaissances... étaient très éloignées des nôtres. Parfois meilleures, parfois non, mais très différentes forcément. Il n'y a d'ailleurs pas de vision idéalisée de cet ancien temps, juste une remise en perspective. La biologie, la botanique, la vie en société, l'agriculture... Noam, qui a traversé les époques, nous explique plutôt bien pourquoi il en était ainsi, sans forcément toujours juger moralement notre évolution même s'il le fait à plusieurs reprises.
Mais passé les 150-200 premières pages apparaissent les premiers doutes. Les révélations sur certains personnages font que l'on s'éloigne d'eux, la naïveté du personnage principal à certains moments m'a crispé et là encore j'ai du mal à m'identifier à lui, surtout vers la fin quand il participe à des massacres ; et le problème est que comme le récit est centré sur lui, si l'on aime moins ce personnage on finit par moins aimer ce que l'on nous raconte. Et ce ne sont pas les quelques cliffhangers inutiles semblant sortir d'une série TV sans idée qui nous ramènent à plus d'empathie. Il est plus difficile d'aimer ce genre d'histoire quand les personnages nous intéressent moins, parce que leurs réactions nous agacent ou parce que leur comportement les rend antipathiques.
Le sentiment est donc mitigé et je ne suis pas sûr d'avoir envie de poursuivre ma lecture des autres tomes. La curiosité du pourquoi Noam a traversé les âges ne suffit même pas à me procurer l'envie de continuer. Et ce malgré, encore une fois, une approche intéressante et une écriture réussie.