Mon Dieu, mais qu'allais-je faire dans cette galère ? Pardon, dans cette arche ? J'ai tellement lutté contre un déluge d'ennui, ponctué par les éclairs de mes froncements de sourcils pendant cette lecture interminable qui, si elle n'a pas duré quarante jours, m'a toutefois semblé une douloureuse traversée du désert.
Eric-Emmanuel Schmitt se propose de romancer l'histoire des hommes à travers le récit de Noam (alias Noé), né au cours du Néolithique et rendu immortel par un phénomène qui restera mystérieux (foudre ? intervention divine ? anomalie scientifique ?). Un projet ambitieux à reconnaître à cet écrivain passionné par l'humanité et son histoire et qui aime jouer les documentalistes (et parsemer son récit de notes historico-culturelles).
Noam, donc, est né il y a 8000 ans dans un village lacustre quelque part vers l'actuelle Mer Noire. Il se révèle au fil des pages un narrateur pointilleux qui veut s'attacher l'affection du lecteur. Rien de mal à cela mais je ne sais pas trop quand mon cerveau a déraillé, si c'est au moment où il a parlé avortement avec le guérisseur du clan, où quand il décrivait avec euphorie la transparence des robes et la collection de chaussures de sa dulcinée, où encore quand il a été question des cours de préparation à l'accouchement de sa jeune femme. Non, vraiment, aucune idée, la quantité de propos et d'actes anachroniques étant légion et rendant la narration improbable et peu convaincante.
Le choix du lexique (identique à celui utilisé pour discuter gestion des émotions et développement personnel au Starbucks au coin de la rue) a de quoi faire retourner dans leurs tombes les nombreux auteurs ayant pris soin et peine à restituer un langage qui transporte le lecteur dans l'époque décrite. Une pensée nostalgique pour Robert Merle, Maurice Druon et consors. Je sais par avance qu'on m'opposera - avec raison - que personne n'était présent au Néolithique pour témoigner aujourd'hui des langages vernaculaires d'alors mais bon... Conséquence directe sur mon intérêt : aucun dépaysement, aucun effet bénéfique d'immersion me faisant dire "Voilà un beau roman historique !". C'est un plongeon à plat.
Je ne veux pas enfoncer à dessein un roman qui a eu un énorme succès en librairie mais simplement partager un avis mitigé car la disproportion entre les avis positifs et négatifs me semble vraiment peu réaliste. Une fois de plus, les lecteurs déçus n'ont-ils pas osé s'exprimer ?
En ce qui me concerne, la "Traversée des temps" d'un Noam omniscient, omniprésent et omnipotent s'achèvera ici, au premier tome de ses "aventures". Ses introspections psychologiques auront eu raison de ma patience. Pour poursuivre, il me manque un ingrédient principal : l'envie de m'intéresser à l'humanité présentée par son auteur comme sa seule grande et sage Oeuvre. Je manque finalement d'imagination.