Parce que les fleurs sont blanches est l'un des tous premiers livres de Gerbrand Bakker, paru en 1999 aux Pays-Bas, bien avant Là-haut, tout est calme et Le détour, ses deux romans les plus connus. Parce que les fleurs sont blanches n'a pas l'intensité ni la densité narrative de ses récits ultérieurs mais il montre déjà un écrivain avec un univers bien particulier et qui a peu d'égal pour distiller une sorte de sérénité mélancolique et une grande pudeur devant les drames de l'existence. Dans ce roman, on entre de plain pied dans un monde familial essentiellement masculin, depuis que la mère est partie sans laisser d'adresse, avec un père, des jumeaux et un cadet qui n'a pas encore fêté ses 14 ans. Bakker n'a pas son pareil pour créer une ambiance, chaleureuse et foncièrement triste, autour des jeux de la fratrie, des trajets en voiture vers la maison des grands-parents ou du comportement d'un petit chien qui semble comprendre et absorber les tourments cachés des membres de la famille. Un accident de voiture qui rend le plus jeune fils aveugle devrait précipiter le livre vers le drame. Mais avec sa délicatesse, son sens des dialogues dont le caractère parfois absurde cache la douleur, Bakker ne plonge jamais dans le pathos, tout dans son style respirant un calme et une lucidité déchirante. Les narrateurs principaux du roman sont les jumeaux, presque assimilés à une seule personne, et de temps en temps leur frère, celui qui ne supporte pas le noir duquel il est désormais prisonnier. Et le livre, sans fausse note, va vers son dénouement, de manière presque paisible, alors que le lecteur ne peut qu'être bouleversé par ce qui finit par arriver. Comment écrire sur des événements tragiques en s'approchant au plus près de la lumière, tel est le don de Gerbrand Bakker, dont on espère que les ouvrages encore inédits en français seront bientôt traduits.