Les 17 premières nouvelles de Carver, dans la forme minimaliste et épurée due à son éditeur.
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le 22 oct. 2012
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Si le genre de la nouvelle trouve sa spécificité dans la brièveté, il faut voir ce rapport au temps comme conditionnant la manière dont l'histoire va être construite par son auteur. Certains choisiront de mettre l'accent sur un scénario percutant, une suite d'évènements savamment agencés se terminant par une chute réjouissante de l'ensemble. D'autres souhaiteront au contraire s'attarder sur un instant précis, surligner quelques lignes signifiantes dans un livre sans fin. Quelques paragraphes suffiront à créer ce polaroïd d'un instant précis. L'émotion qui s'en dégagera, évanescente au possible, n'en sera que plus touchante par son aspect insaisissable.
Le style de Raymond Carver pourrait être simplement décrit de cette manière. Ses histoires se déroulent toujours au milieu d'une vie, à une rencontre entre le passé et le futur qui n'est pas le présent. Lorsque la routine devient trop pesante et qu'on choix doit être fait. A la croisée des chemins, entre deux périodes charnières. Pas besoin d'artifices littéraires : le récit se résume en trois mots, et les descriptions n'en font pas plus. Ces instants de vie se réduisent à leur substance pure : des sensations fugaces, où l'émotion est suggérée plus que réellement énoncée. Après tout, comment est-il possible de décrire en détail la sensation de sérénité inattendue qui envahit un homme au carrefour de sa vie, lorsqu'un coiffeur lui passe calmement la main dans les cheveux après une coupe ? La sobriété assumée de l'auteur lui permet d'être en contrepartie terriblement efficace. Carver a choisi d'écrire ainsi pour que ses histoires se lisent d'une traite. Transportés dans des paysages plus ou moins familiers, on a l'impression de reconnaître tel ou tel personnage, telle trajectoire de vie. Difficile effectivement de lâcher un destin lorsque celui-ci crée une résonance intime et inexplicable avec nos propres questionnements.
What we are talking about when we talk about love. Un titre qui peut paraître étonnant une fois initié à l'univers désenchanté de Carver. La majorité des personnages nagent dans une décrépitude où l'alcool semble être la seule bouée abordable. Ils flottent au milieu des autres être humains, qui se ressemblent tous dans leurs errances désabusées. Seule lumière à l'horizon : l'amour comme voie de sortie. Car un désenchantement suppose qu'il y ait eu au départ un enchantement premier, rompu par quelque obstacle de la vie, irruption de la réalité entraînant déceptions et désillusions. Au-delà de ce qui a pu les faire basculer, ce qui fait tenir tous ces destins disparates ensemble est l'idée qu'il existe quelque part une certaine solution au manque qui les habite, solution qui leur permettrait d'échapper aux tristes réalités de la vie . L'amour est la condition sine qua non de la vie, et sa perte première lance l'élan vital de tout un chacun, courant après l'espoir d'une vie heureuse qui trouverait son accomplissement dans l'amour.
Décédé d'un cancer du poumon à l'âge de cinquante ans, Raymond Carver laissa en guise d'épitaphe un poème parlant de lui bien plus que toutes les autobiographies possibles. Peut-être avait-il avait compris qu'une succession de mots, même confectionnée avec soin, ne peut rendre compte d'un affect couronnant un instant précis.
LATE FRAGMENT
And did you get what
you wanted from this life, even so?
I did.
And what did you want?
To call myself beloved, to feel myself
beloved on the earth.
Créée
le 8 mai 2018
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