Pars vite et reviens tard cultive le paradoxe, à l'instar de son titre étonnant. Fred Vargas a écrit à la fois une histoire improbable où quelqu'un dessine sur les portes d'immeubles de Paris des 4 renversés sous-titrés des trois lettres CLT et un roman très bien documenté notamment sur l'épidémie de peste de 1920 à Paris, appelée pudiquement par les autorités « maladie n°9» pour ne pas effrayer la population, maladie qui donna lieu à un regain de l'antisémitisme.
Une partie de l'explication vient à mon avis du parcours atypique de Fred Vargas, ancienne archéozoologue au CNRS après avoir écrit une thèse fondée sur l'analyse des ossements de rats au Moyen-Age. Lassée de l'austérité de sa discipline, elle se tourne dans ses livres vers l’irrationnel, l'invraisemblable et le poétique soit l'inverse de la démarche scientifique. C'est pour compenser des années de rigueur que Fred Vargas nous fait partager des péripéties abracadabrantes, tout en soignant le suspense avec le plus grand sérieux. Et pour ma part je crois qu'elle s'est amusée en créant le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg, un policier qui ne fonctionne qu'à l'intuition et qui est est l'antithèse d'Hercule Poirot ne jurant que par ses « petites cellules grises ». C'est le genre de policier lunaire qui dans la vraie vie se retrouverait mis au placard dès sa première enquête sous les moqueries de ses collègues.
Mais je vais vous frustrer, j'en ai peur. Je ne chercherais pas votre
semeur au sein d'une famille décimée par la peste. Mais au sein d'une
famille épargnée. Cela fait des milliers de gens possible et non plus
seulement trente-quatre.
Pourquoi épargnée?
Parce que votre semeur se sert de la peste comme instrument de puissance.
L'univers bien particulier de Fred Vargas où les légendes du passé rejoignent les événements historiques réels lui ont inspiré le néologisme de « rompol » pour qualifier ses romans policiers se démarquant du « polar » noir et violent.
A mon avis l'accumulation des péripéties extravagantes et des personnages secondaires plus ou moins perchés est difficilement transposable à l'écran et la lente maturation propre à la lecture demeure à privilégier pour appréhender ce rompol. Et elle permet aussi de nous interroger sur les bénéfices qu'un régime ou une partie de la communauté scientifique peuvent tirer d'une épidémie : le renforcement de leur pouvoir et la restriction de nos libertés.