"Pavane" est une uchronie, c'est-à-dire une Histoire alternative. Ici Keith Roberts nous propose d'imaginer que la reine Elizabeth I décède dans un attentat et que la Grande Armada espagnole, loin d'avoir été détruite par une tempête a réussi à atteindre les côtes anglaises. A partir de là, l'Histoire quitte ses rails. Et j'emploie cette expression à escient car on commence en effet notre roman avec une locomotive...
En 1968 , les trains parcourent les routes anglaises crachant leur vapeur sur un paysage et une population qui vit dans des conditions rappelant assez le moyen-âge sous le joug de la toute puissance Eglise de Rome. Le monde que nous montre Pavane est ainsi celui qu'autorise une église aussi active dans sa persécution des hérétiques que dans la suppression des découvertes scientifiques (elle passe un Veto contre le développement de la combustion interne, interdit les recherches autour des fluides magnétiques et électriques etc...). L'Angleterre de Pavane connait la vapeur, mais n'a jamais connu de révolution scientifique ou politique. La féodalité s'exerce encore sur les paysans et le livre nous offre des récits de guerre où trébuchets et huile bouillante sont des armements de pointe...
Ce roman a-typique se présente en six chapitres presque indépendants, qui vont peu à peu faire le portrait d'un monde au bord de la révolte contre l'autorité papale. On part d'un personnage assez fade, le conducteur d'une locomotive et de sa lutte contre les bandits de grand chemin. Puis on s’intéressera à un apprenti de la Guilde des Signaleurs, qui sont chargés d'actionner les grands sémaphores, seul moyen rapide de communication. Puis une jeune femme témoin de la visite d'un étrange bateau étranger, etc... Chaque personnage apporte son point de vue et peu à peu leur place dans le jeu politique de leur pays prend de l'importance.
Autant le dire tout de suite, ce livre démarre aussi lentement que ses trains routiers. La faute à une écriture assez ampoulée et très descriptive. Peu à peu ce lourd train se met pourtant en route et l'intrigue prend son envol vers le 3° chapitre... Soyez donc patient(e)s au début.
Le ton du livre sied pourtant à l'univers décrit, un monde lourd, pesant de ses traditions, à l'horizon bouché par ses robes de bure, ses bulles et ses mitres. (Le livre qui vient immédiatement à l'esprit est bien "Un cantique pour Leibowitz" de Miller). Mais il est aussi traversé d'un mystère, d'une touche de fantastique, qui pointe son nez par touches rapides sous la forme d'un peuple de Fairies, de visions mystiques (holographiques?) et d'allusions à une autre réalité, à d'autres dieux que le Christos. Je dois dire que c'est cet aspect du livre (pas assez exploité) qui m' a poussé à continuer ma lecture.
Une bonne lecture, un poil laborieuse, qui sert très peu de SF, beaucoup de hallebardes, et dont la conclusion est un peu excessive. On sera sans doute surpris du soudain revirement de l'auteur en fin de roman, qui semblera vouloir excuser une Eglise qu'il a présentée à loisir comme odieuse... De même son essai de résoudre l'uchronie est intéressant mais aurait mérité une plus longue exposition que trois paragraphes de fin...Mais quoi qu'il en soit, cette histoire est définitivement originale Recommandé aux amateurs de ce genre de littérature seulement.