"J'ai écrasé une vilaine mouche romaine sur mes murs"
Keith Roberts a, sans conteste, un don pour la description. Son univers est riche et chaque mot qu'il écrit fait dresser sous nos yeux les châteaux gris cinglés par le vent, les locomotives solitaires dans la lande, le bois craquant des bras des sémaphores, le froid et l'odeur salée de la mer sous le Bateau Blanc... Son style est fouillé et dense, plein de la noirceur des vies qu'il décrit.
Car il y a peu de joie dans cet univers gouverné par l'Eglise , soumis à ses dictats et à ses lubies. Le monde est morne, primitif. Toute forme de progrès est considéré comme une hérésie. Les gens ont faim, ils sont illettrés, il fait froid. Naitre, souffrir, mourir, c'est un peu la rengaine de leur vie.
Ce qui est judicieux, dans Pavane, c'est la division en 6 chapitres distincts, évoquant chacun un pan de l'univers mis en place par Roberts : on aborde la vie d'une châtelaine farouche, les errances de la locomotive Margaret, les déboires d'un apprenti de la Guilde des Signaleurs... La division permet d'aborder avec profondeur personnage et son entourage, et de se faire une idée globale en toile de fond. La contrepartie, c'est qu'il est parfois difficile de se replonger dans un nouveau chapitre, dans de nouveaux personnages, de nouvelles vies... quand on vient d'en finir un.
J'ai énormément apprécié les trois premiers et deux derniers chapitres, puissants et évocateurs, qui ouvraient une grande fenêtre sur ce monde uchronique. J'ai un petit peu moins aimé l'issue de celui sur Jean le dessinateur, trop éclairée à mon goût, trop axée sur l'Inspiration et la Foi... Mais ce ne sont que quelques pages, sur un roman entier.
Je le recommande pour la finesse de ses descriptions, la justesse de son univers et Lady Eleanor en son château de Corf Gate (chapitre 6), courageuse et admirable...