"Pavane" est une uchronie pure qui prend comme évènement fondateur le succès de l'invincible Armada, qui n'est pas anéantie par la tempête, et conquiert les îles britanniques. S'en suit une main-mise de l'église catholique romaine sur le monde, ou peu s'en faut.On retrouve donc un XXème siècle où la seule invention qui a réussi a percer est la vapeur, et on communique par sémaphores.
Avant de lire "Pavane", j'ai eu peur : ce livre est considéré comme un pilier de l'uchronie, et les deux derniers livres qui étaient aussi considérés comme tels ne m'ont pas vraiment laissé un souvenir impérissable (du très enfantin "La Porte des Mondes" au très emberlificoté "La Machine à Différences"). Pourtant on rentre bien dans "Pavane", les différents chapitres sont autant de héros, dont on retrouve la descendance parfois quelques chapitres plus loin, et à travers eux l'auteur a su faire passer toute la subtilité du monde qu'il nous décrit, ni trop ni trop peu, et c'est assez rare. On a parfois l'impression d'être embarqués dans un conte médiéval, féodal, fantastique même par certains aspects, mais toujours l'uchronie et le récit sont recentrés, et vraiment le livre nous transporte dans l'histoire ucrhonique de ce bout d'Angleterre où il se déroule.
Et tout au long du livre on sent une certaine mise en abyme de l'uchronie, un peu à l'instar du "Maître du Haut Château" qui contient une réflexion similaire sur les univers possibles, et d'ailleurs certains passages, s'ils se déroulaient sur une lointaine planète de la banlieue de la galaxie dévouée au recyclage de boulons de 12, font très Dickien dans l'esprit, et il y a donc une réelle réflexion sur l'uchronie, et le contexte de celle-là en particulier, la notion de progrès maîtrisé ou pas, de l'intérêt d'avancer technologiquement en même temps que spirituellement. Dans un autre contexte, j'ai adoré ce thème approchant dans "La Fin de l'éternité" d'Isaac Asimov. Et ici, avec une conclusion qui peut en surprendre plus d'un, c'est rondement mené et finalement pas prise de tête. J'ai donc vraiment aimé ce livre, qui n'est pas fantastique, ni sublime, mais extraordinaire, et à plus d'un titre, et c'est ce que je recherche dans cette littérature.