Les espions qui allaient vers le froid

Les scènes d'action de Paysages trompeurs, en particulièrement la première, qui se déroule en Somalie, sont impressionnantes. Et le premier roman d'espionnage de Marc Dugain, décidément à l'aise dans tous les registres, se termine à peu de chose près du côté de Groenland (les espions qui allaient vers le froid ?), après un hold-up de haute volée qu'il faut lire pour le croire. Mais cela n'est que l'écume d'un livre qui analyse avec précision les nouvelles donnes de la géopolitique d'aujourd'hui où les alliances, parfois contre-nature, se font et se défont dans une valse endiablée. Les services de renseignements et les gouvernements de nombreux pays de la planète agissent de manière invisible et difficilement compréhensible, pour le commun des mortels, et Dugain réussit à rendre clair, ou presque, ce qui autrement resterait opaque, impliquant aussi bien les États-Unis que la France, la Russie, Israël, l'Iran, la Chine ou le Maroc, entre autres, sans oublier les narcotrafiquants, pour faire bonne mesure, dans une folle intrigue que l'on soupçonne de s'inspirer d'une réalité pas si lointaine, ce qui ne l'empêche pas de dépasser l'entendement. Ainsi va notre monde aux paysages trompeurs, alors que son compte à rebours a commencé, n'en déplaise aux climato-sceptiques, s'il en reste encore. Le livre, qui est aussi à sa manière un ouvrage philosophique, a le mérite de faire exister de vrais personnages, manipulateurs et manipulés, donc éminemment humains, à commencer par le narrateur de l'histoire, dans cet univers glacé de l'espionnage moderne, qui se situe bien loin de l'exotisme d'un James Bond et aux antipodes du romantisme d'une Mata Hari.