Marrant d'imaginer un lecteur totalement étranger à l'univers de Jim Harrison débarquer de but en blanc dans ces péchés capitaux, œuvre à laquelle on ne pourra trouver un charme certain qu'à la condition de connaitre son auteur depuis un petit moment.


Harrison, comme certains petits camarades (Roth, Banks) fait désormais partie d'une génération d'écrivains américains qui savent que le meilleur de leur œuvre est derrière eux.
Jim en tout cas, le sait. Qu'il n'a plus l'étincelle. La nécessité. L'inspiration ou même la force de produire ce qui l'a autrefois rendu célèbre (ou, pour poursuivre la thèse que je proposais à propos de Dheepan, il n'a plus le même désir de "retours", cet élan vital de l'artiste au moment du meilleur de sa production).


Du coup, le vieil homme, un peu en roue libre, se concentre essentiellement sur les quatre ou cinq thèmes qui l'ont toujours poussé à écrire et à vivre: la nature, l'art, les femmes, l'alcool et la bouffe. Comment ne pas éprouver une immédiate affection pour un type qui ne vibre que pour une si admirable série d'obsessions ?


Ne pouvant se contenter d'empiler sans fil directeur ses considérations métaphysiques sur les sujets pré-cités, le bon Jim enrobe le tout dans un simulacre de polar, dont on sent dès les premières pages qu'il n'en aura jamais grand chose à faire, les rares moments consacrés à l'avancée de l'histoire étant traités avec une désinvolture telle que personne ne pourra être dupe.


Quant à savoir si les érections quasi-permanentes de Sunderson, l'alter-égo policier de l'écrivain de bientôt 80 ans, agissent comme un substitut ou plutôt comme un révélateur de sa vitalité étonnante, voilà une question à laquelle seules une ou deux de ses proches, peut-être, sauront répondre. Bien entendu, on préfèrerait la deuxième explication, ce qui donnerait aux être humains vieillissants que nous sommes tous amenés à devenir à tour de rôle, une assez chouette idée de ce à quoi pourrait ressembler notre lubrique vieillesse.
Et rien que pour ce fragile espoir, Jim a mérité le coup de whisky que je me suis envoyé en son honneur au moment de refermer son dernier livre.

guyness
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le 28 janv. 2016

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