Il n'y a rien que nous ne savions pas en 1979

Perdre la terre ? Un titre choc, lourd de sens, blanc, épuré, sur une couverture vide, d'un noir désertique.


A travers un récit factuel s'étalant de 1979 à 1989, Nathaniel Rich décortique dix années d'alertes, de tentatives désespérées d'une prise de conscience des effets du réchauffement climatique par la sphère scientifique, persuadée qu'une limitation de l'augmentation minime mais désastreuse des températures ne peut venir que de mesures gouvernementales. Convaincu de la même chose, le journaliste écarte volontairement le citoyen, le terrien qu'il ne sollicitera que brièvement dans son épilogue.
Ainsi au détour de cette décade américaine, entre scientifiques pessimistes martelant l'urgence d'agir, politiques faussement sensibles aux risques pour les générations futures et grosses entreprises tentaculaires aux profits interdépendants de notre consommation d'énergie, on oscille entre espoir et désillusion vers une inaction des gouvernements que nous connaissons déjà.
Mais, en tant que natif de l'année 1981, ce qui frappe le plus alors qu'on a l'impression que le problème et la prise de conscience sont très récents, c'est finalement que 40 ans plus tard, alors que les premiers effets se font sentir comme prévu, nous étions déjà en possession de toutes les informations pour comprendre et agir en conséquence. Et, en remontant ainsi le temps, on se surprend à découvrir les témoignages et les idées de personnes visionnaires, déjà conscientes du sort qui nous attendait.
Sans jamais être moraliste, en ne faisant que poser les bonnes questions dans ses dernières pages, Perdre la terre est un éclairage nécessaire sur aujourd'hui, sur le chemin parcouru par des pays aux politiques bien trop liées au confort énergétique de ses électeurs et aux entreprises qui le fournisse au détriment d'un problème d'ampleur mondial. Le livre met en lumière les actions et les inactions, les déformations et les omissions d'informations, peu importe le camp (politique, scientifique ou économique). Il prête à sourire jaune parfois, le temps ayant transformé certaines paroles pleines de sens en citations cyniques. Mais au delà de tout ça, il nous interpelle, citoyen nageant qu'on le veuille ou non dans le pétrole, pris au piège d'un mode de vie qui nous paraissait jusqu'alors si progressiste et, s'il nous persuade que nous n'avons à notre échelle qu'un impact insignifiant sur les solutions, que les gouvernements éclairés mais inactifs doivent traiter le problème de manière morale comme bien d'autres sujets, il nous apostrophe sur le fait que nous sommes tous complices et, que le premier pas vers de véritables solutions, c'est de ne pas le nier.

RicowRay
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le 14 août 2019

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