Petit traité sur l'immensité du monde par BibliOrnitho
Par goût ou comme antidote à l’ennui et à la routine, Sylvain Tesson vagabonde. Il marche, crapahute, escalade, chevauche à mobylette, à moto ou à cheval. Il parcourt le monde qui l’entoure, des campagnes françaises au bassin du Mékong, en passant par le désert de Gobi, le plateau tibétain, le pavé de Paris ou les toits de nombreux monuments historiques qu’il escalade nuitamment à mains nues.
Un texte empreint de poésie, contre l’irrémédiable uniformisation du monde, l’inexorable disparition de la biodiversité et la banalisation des cultures. Apologie de la balade, pour réfléchir à la marche de la planète ou simplement sur soi, pour observer les gens, contempler la nature, se forger des souvenirs, se réciter des poèmes, des prières (pour ceux que cela intéresse) ou simplement s’abrutir de fatigue à marcher jusqu’à l’épuisement.
La Terra Incognita qui exerce sur lui un attrait si puissant : steppes mongoles, grottes ou corniches des cathédrales gothiques. Rencontre avec les mythes, us et coutumes, rencontre avec les fées, farfadets, yétis, dijnns et autochtones qui ont parfois fui la ville pour retourner s’installer dans les profondes forêts à l’image de Derzou Ouzala.
Eloge de l’effort contribuant à la purification du corps et de l’âme. Réhabilitation du bivouac à la belle étoile. Plaidoyer en faveur du hamac qui oblige l’homme à dormir calmement sous peine de se voir rappeler que la gravité n’est pas un vain mot.
De sa très belle écriture, Sylvain Tesson évoque quelques-uns de ses voyages sous forme d’anecdotes cocasses ou sérieuses. Voyages qui le ramènent immanquablement vers cette immense forêt sibérienne qu’il aime tant. Mais s’il est géographe, bon nombre de notions de biologie semblent lui échapper. Comme « la fonction qui est crée l’organe », chère à Jean-Baptiste de Lamarck et qui est en réalité un raccourci un peu rapide ; « l’homme qui descend du singe » laissant de côté l’ancêtre commun ; ou l’exemple de la Phalène du bouleau (Biston betularia) qui aurait muté au XIXe siècle au moment de la révolution industrielle pour devenir de couleur sombre (la mutation est en réalité antérieure et les individus « sombres » ont été favorisés par la sélection naturelle et la pollution due au charbon).
Une lecture toutefois agréable. Une très belle écriture qui ne m’avait pas sauté aux yeux lors de ma précédente lecture (« Dans les forêts de Sibérie »). Un bon bol d’air sur les rives du Baïkal et du haut de la flèche du Mont-Saint-Michel.