Sans être un incontournable absolu du genre, ce recueil de nouvelles policières du japonais Kyotaro Nishimura (né en 1930), justifie sa réédition de 2018. Voilà un écrivain dont on apprend (quatrième de couverture) qu’il aurait écrit une centaine de romans, mais dont seulement trois sont disponibles à cette heure en traduction française. Pourtant, l’auteur a sa réputation et il a été lauréat (1965) du prestigieux prix Edogawa Rampo qui doit son intitulé à un non moins prestigieux écrivain nippon (ni mauvais), ainsi que du prix de l’association japonaise des auteurs de romans policiers (1980).


La quatrième de couverture (édition de poche 2018, en Rivages/noir) mentionne qu’il s’agit d’une anthologie établie par Jean-Christophe Bouvier qui a traduit les 6 premières nouvelles présentées (sur 8 en tout, pour un total de 289 pages). Le copyright original date de 1978 (par l’auteur), comme s’il existait une version originale du livre disponible en France. Mais rien ne dit combien Nishimura a écrit de nouvelles policières ni de quand dates celles qui sont présentées.


L’intérêt de ces nouvelles est de nous apporter un ton personnel qui permet à l’auteur d’esquisser un portrait social du Japon de l’époque, tout en présentant des intrigues régulièrement surprenantes. Même si on devine parfois, il a l’art de réserver une chute inattendue ou amusante. Il sait donc construire une intrigue et faire sentir ses personnages principaux assez rapidement, tout en ménageant le suspense et il garde régulièrement une surprise finale. A noter que dans les enquêtes du recueil, on ne trouve pas la classique figure récurrente d’un policier dont la personnalité viendrait s’étoffer au fil des nouvelles. On remarque aussi que le couple est souvent au cœur de ces histoires, avec des tensions telles que le meurtre revient plusieurs fois comme nœud de l’intrigue. Intéressante aussi, l’irruption de la science-fiction dans la nouvelle « L’homme qui venait d’Andromède » qui n’est peut-être pas la meilleure, mais une des plus caractéristiques et amusantes dans l’étude de mœurs proposée sur l’ensemble. Il faut également dire que si le cynisme transparaît régulièrement, nous avons également des personnages qui agissent par compassion (ainsi avec « Les « bonnes œuvres » de l’agent Shibata »), sans compter cette nouvelle (« Les pigeons »), où un homme est recherché par la police. Selon qu’on le retrouvera vivant ou mort, il permettrait ou non à des « innocents » de poursuivre leur vie sans culpabiliser. Étonnante aussi, cette histoire à tiroirs, avec un maître-chanteur dont on ne comprend les visées que progressivement. N’oublions pas une nouvelle qui fait son effet, avec un pickpocket que la police découvre mort assassiné, le visage étrangement souriant et serein. Très intelligente, la narration maintient le suspense jusqu’à une chute assez subtile.


Quant au style de Nishimura, il brille par sa fluidité. L’auteur ne cherche ni les grands effets ni les phrases ou révélations choc. Tout son travail est au service d’une narration efficace. Dans ce genre particulier de la nouvelle policière, Kyotaro Nishimura se montre habile et suffisamment intelligent pour se renouveler d’une histoire à l’autre.


Pour conclure, voici le tout premier paragraphe du livre où la simple évocation de la Lune renvoie à des siècles de littérature japonaise toujours très inspirée par l’astre de la nuit :


« Il avait plu et, dans l’obscurité de la nuit, la surface du petit canal d’évacuation des eaux brillait de reflets suspects. La pleine Lune de la mi-septembre perçait entre les nuages. Il était près de deux heures du matin. »

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le 13 déc. 2020

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