Un immense château, tellement immense qu’il est impossible d’en connaître les limites, comme s’il n’avait de fin. Avec, en son sein, des salles, comme autant de mondes, comme autant de saisons. Ceux qui y habitent se sont fait une raison et tâchent de vivre leur vie. D’autres au contraire refusent l’évidence et veulent savoir ce qu’il y a « ailleurs », derrière ces murs que l’on dit infranchissables. C’est le cas de deux jeunes garçons, Dulvan et Garicorne. Pour cela, encore faut-il gagner Pierre-Fendre, le royaume de l’hiver, où dort l’énigmatique Sommeilleuse que l’on dit responsable de la création du château et de ses mondes. Alors qu’ils se préparent à une expédition de tous les dangers, d’autres décident, simplement par amour (comme Aurjance la soeur de Dulvan) ou par crainte de perdre leurs prérogatives (Murgoche la sorcière), de tout faire pour les empêcher d’atteindre leur but…
Ceux qui me connaissent un peu savent que je ne suis pas particulièrement fan de Fantasy. Sans doute parce que c’est un milieu dans lequel je ne m’y sens pas forcément à l’aise. Mais si je me suis plongé dans ce roman avec curiosité, c’est surtout par rapport à l’auteur, dont j’apprécie particulièrement la plume. Et je dois dire qu’une fois de plus, j’ai été bluffé. Parce que Brice Tarvel est un auteur à l’écriture protéiforme, capable d’aborder n’importe quel genre avec une facilité déconcertante. Il s’est glissé avec bonheur depuis plusieurs années déjà derrière Bob Morane dont il poursuit les aventures pour notre plus grand bonheur. Il est un digne successeur de Jean Ray pour Harry Dickson. Il est capable de vous écrire un roman hallucinant en peu de mots, comme Depression.
Pierre-Fendre est un énorme roman. Un univers riche, onirique et visuel, un déferlement d’images et de mots, un vocabulaire comme on n’en trouve plus. Il m’a d’abord projeté dans mon passé, alors que gamin je m’essayais au Livre dont vous êtes le Héros, mais cela serait trop réducteur de le limiter à ça. Il y a du Hodgson et du Tolkien chez cet homme, mais aussi du Rudolf Raspe (et Terry Gilliam) et du Théophile Gauthier. D’ailleurs, son baron Elven de Champdorge n’est-il pas un peu un clin d’oeil à celui de Munschausen? Cette histoire d’une quête d’un monde meilleur, d’un idéal, peut-être de la concrétisation d’un rêve, se terminera comme elle a commencé, en apothéose, et tout le génie de l’auteur sera d’achever cette quête d’une façon terrible et en même temps, pourrait-il en être autrement?
Merci à toi, Brice Tarvel, de m’avoir redonné un certain goût de la littérature Fantasy. Des romans aussi riches, j’en redemande encore, mais je sais pertinemment que ce n’est pas le dernier que tu nous offre là !