Premier Maigret écrit (mais pas le premier publié), Pietr-le-Letton propose une image immédiatement reconnaissable, mais encore rudimentaire, du commissaire : massif, taiseux, porté sur l'alcool et avalant des tonnes de sandwichs.
Comme souvent, Simenon ne donne pas beaucoup d'explication à ses lecteurs, et Maigret semble en savoir plus que nous. C'est un procédé classique, qui vaut aussi pour beaucoup de romans noirs américains, mais qui atteint ainsi des sommets d'opacité : on ne comprend absolument rien à ce qui se passe jusqu'à la révélation finale. Cet impression d'être totalement aveugle apporte un charme au roman, mais peut aussi être frustrante.
Simenon multiplie ici les péripéties violentes touchant directement son héros (un collègue assassiné, une blessure par balle, un final dangereux dans la mer) qui est assez inhabituel chez lui.
La subtilité psychologique de Maigret n'est pas ici encore très apparente, on a vaguement l'impression que c'est le hasard qui le guide, et nous le suivons nous-mêmes un peu hagards, dans le labyrinthe d'une intrigue assez invraisemblable.
Sur le plan des ambiances, Simenon est par contre ici tout de suite à son meilleur niveau. Il nous fait ressentir en quelques mots le contexte d'une façon très sensuelle, qu'il s'agisse d'un bouge sordide, d'une planque sous la pluie normande ou d'un hôtel de luxe,
Dernier point : il y a dans ce livre un relent d'antisémitisme banal vis à vis du personnage d'Anna, qui peut choquer le lecteur d'aujourd'hui.
Certainement pas le meilleur Maigret, même si le livre apparaît souvent dans la liste des "meilleurs romans policiers",
A bientôt pour d'autres critiques (puisque j'ai décidé de lire tous les Maigret dans l'ordre de parution).