Dans Piranèse, de Susanna Clarke, il ne sera pas question du graveur italien Giovanni Battista Piranesi ou si peu.
Non, il sera question de Piranèse, qui se fait ainsi surnommer de manière mi affectueuse mi ironique par l'Autre. Ils sont les 2 seuls habitants d'un monde en tout point différents du notre et en même temps si proche. Enfilade de pièces titanesque, peuplé de statues en marbre immense, représentant des scènes variés. Ce musée, outre les 2 protagonistes, est peuplé d'oiseaux, et surtout de différents océans, dont les marées submergent les salles au grès de mouvement d'eau que Piranèse a appris à anticiper. L'Autre lui donne ainsi de multiples missions pour comprendre ce lieu, car cet Autre semble comprendre où ils sont mais n'éprouvent que peur et peu d’admiration pour ce lieu, contrairement à Piranèse. Ce savoir, il le met au service de la recherche de Grand Savoir Oublié, et Piranèse est plein d'admiration pour l'Autre pour cette raison. Mais comment ce subtil équilibre va réagir quand l'existence d'une 3e personne va devenir concrète ?
Ce pitch de départ peu sembler simple, et pourtant tout fonctionne très bien. La création de ce monde pour commencer et un vrai tour de force. Rarement un univers aura su prendre vie de manière si minéral et aqueuse en quelques lignes. Nous sommes plongés rapidement dans cette univers oppressant de marbre et de marées. Piranèse nous rassurera rapidement. Sa connaissance de ce lieu nous fait prendre conscience que l'on évitera rapidement les marées et que la beauté des statues supplantera la peur qu'elle pourrait inspirer.
Piranèse est une sorte de candide de ce monde là, superbe par sa naïveté, et en même temps plein d'ingéniosité. Il a développé son propre calendrier, rythmé par des événements que lui seul remarque. Le texte prend la forme de son journal de bord, qui va rapidement se révèler plein de trou.
On rentre alors dans le rythme entraînant du roman, sorte de Memento fantastique où les pièces du puzzle s'assemblent progressivement à mesure que Piranèse retrouve ses notes et souvenirs passées au gré de statuts, de nids d’oiseaux et de rencontre.
La résolution du roman arrive un peu rapidement à mon goût, on boit un peu la tasse de ne pas avoir pu profiter plus longtemps de cette plage mystérieuse qu'est cette univers, d'avoir le temps ed faire enfler le mystère de ces statues, de ces pièces, de ces oiseaux avant la montée de la marée. Mais il reste le souvenir de cet univers puissant, minéral et de ces quelques personnages sculptées avec précision.
Un souvenir qui restera gravé durablement pour celles et ceux qui auront osé suivre Piranèse dans ce labyrinthe. Comme quoi, il était peut être question de ce graveur finalement.