Plage de Manaccora, 16h30 par Reka
Ce roman est inspiré d'un fait réel vécu par Philippe Jaenada et sa famille en 2007. L'auteur nous propose donc ici un pur récit d'autofiction. Je ne suis pas du tout une ennemie du genre, mais je n'ai pas cessé d'y voir l'auteur à la place de Voltaire et le charme n'a de ce fait qu'à moitié opéré.
On retrouve dans "La plage de Manaccora, 16h30" le style caractéristique de Philippe Jaenada – imposantes digressions, parenthèses imbriquées – mais elles se prêtent à mon sens moins bien au personnage de Voltaire qu'à Halvard Sanz, le « héros » gauche, gentil, farfelu et attendrissant du "Chameau sauvage".
L'auteur distille son humour habituel dans un événement qui se veut insoutenable et anxiogène, il s'efforce de faire du léger avec du lourd au point d'en devenir, à mon sens, parfois lourd lui-même. N'ayant pas la maladresse et la candeur de Halvard, Voltaire/Jaenada – écrivain, époux et père de famille – m'a par moments semblé pesant dans sa manière (patente !) d'essayer de faire rire son lectorat...
« J'ai fermé la voiture (elle a clignoté orange comme pour me dire : « Ne me laisse pas là, patate ») et nous avons rejoint le groupe, sur la terrasse. » (p. 37)
Aussi, les digressions de l'auteur m'ont tour à tour amusée et dérangée, semblé utiles et parfaitement insignifiantes selon les cas.
Rabat-joie, j'ai eu à déplorer aussi le trop grand nombre d'anecdotes du narrateur/auteur quant à son absorption d'alcool (chose que j'avais eue à reprocher au "Chameau sauvage" également).
Malgré tout, l'humour décalé de l'auteur a opéré de temps en temps, quand je m'y attendais le moins...
Ce roman n'a certainement pas que des défauts : il exprime le rapport des uns et des autres face à la peur, au danger, à la mort ; il dit l'anxiété qu'inspire la perte des gens qu'on aime, les lâchetés desquelles on devient capable dans l'insécurité, les souvenirs – ici étonnamment anodins – qui refluent quand on pense vivre les dernières minutes de son existence... "Plage de Manaccora, 16h30" aurait clairement pu être un roman parfaitement maîtrisé et intéressant, mais il croule à mon sens sous bon nombre de parenthèses vides et de considérations sans queue ni tête.
Je ne prétends pas ne pas avoir ri (ça s'est produit 4 ou 5 fois) ni avoir détesté ce livre, mais je n'ai pas retrouvé les traits foncièrement jubilatoires et tendres de son premier roman, "Le chameau sauvage".