C'est un mystère aussi épais qu'un brouillard polaire. Apparemment, il s'est passé des choses atroces à bord de l'Eradinus mais de quel ordre ? Calmons-nous et plantons le décor de Polaris, le premier roman traduit en français du catalan Fernando Clemot. L'Eradinus est un vieux navire qui mouille devant la sinistre île de Jan Mayen, située à la limite des océans Arctique et Atlantique. A son bord, un équipage très cosmopolite d'où émerge la personnalité du docteur Christian, un médecin auquel la Centrale (propriétaire du rafiot) a confié d'autres tâches (obscures) que celles de soigner. Dès le début du livre, on comprend que Christian raconte le récit de l'expédition à deux enquêteurs de la Centrale, chargés de comprendre comment la situation a pu dégénérer. Le médecin entreprend un monologue relancé de temps à autre par ses interlocuteurs et censé nous éclairer. Mais hélas, l'esprit de Christian est confus et son accoutumance aux médicaments renforce l'idée que son état mental est bien sujet à caution. Il digresse souvent, par rapport à sa propre existence, la maladie et la mort de son frère ou encore sa collaboration avec l'armée allemande pendant la guerre. Autre élément qui opacifie la bonne compréhension des événements : l'absence de ponctuation dans les dialogues totalement incorporés au texte. La narration avance lentement avec une tension constante, dans un climat oppressant. Au fur et à mesure, l'on approche de la vérité, mais on se doute bien qu'elle ne répondra pas à toutes les questions. Etrange bouquin dont il est nécessaire de ne pas sauter une seule ligne de peur de rater un élément important de l'intrigue. A l'Arctique de la mort, ce n'est d'ailleurs pas tant la résolution des mystères qui compte mais bien davantage l'atmosphère à couper au couteau de ce huis-clos sur l'eau.