Un suicide des intellectuels ? Et pourquoi ? Eux qui nous guident vers la réflexion, la critique et la vérité ? Eux qui nous inspirent et nous écartent de l'asservissement et de l'ignorance?
Loin d'être hermétique à l’intérêt que peuvent susciter les intellectuels auprès d'une humanité à la dérive, Manuel Cervera-Marzal propose toutefois de les exclure de notre organisation sociale et politique.
Depuis des centaines d'années, la population est visiblement scindée en deux classes : les penseurs et les agisseurs. D'un côté : l'élite, une minorité qui pense, créé, imagine, réinvente, prend les décisions ; et de l'autre : la main-d’œuvre, les exécutants, ceux qui agissent selon les bornes délimitées par les seuls vraiment capables d'utiliser leur intellect.
Rien de prouve que les enseignants ou les écrivains utilisent d'avantage leurs capacités intellectuelles que les artisans par exemple. Dans la mesure où chaque tache exige réflexion, tout le monde peu être considéré comme « un intellectuel ». Seulement il y en a qui s'en revendiquent officiellement.
Le point central de sa thèse repose donc sur l'idée qu'il faut remettre en question une grande partie des rapports de domination institués au sein de l'organisation du travail.
L'objectif n'est pas de liquider physiquement les intellectuels, mais d'abolir leur fonction social en visant une répartition égalitaire des taches de réflexion
L'auteur ne semble pas réticent envers le rôle que peuvent tenir les intellectuels. Il est au contraire conscient d'en faire partie et souhaite attirer notre attention sur un des caractère primordiaux de la démocratie, à savoir la liberté pour tous d'exprimer ses opinions, afin que chacun puisse tirer profit d'avis contradictoires, et prendre parti pour une politique qu'il considérera nécessaire au bien commun.
L'idée n'est donc pas que tout le monde puisse se vanter d'être un intellectuel (car le fait d'en être un ne signifierait plus rien) mais bien qu'il faut tout simplement supprimer le concept même de cette catégorie. Tout comme il faut savoir pour faire, il paraît primordial (et c'est ce que prônait, entre autre, Simone Weil) d'avoir pratiqué un travail pour pouvoir en penser efficacement les tenants et les aboutissants. L'ouvrier doit renouer avec les notions fondamentales qui structurent ses actes, et en devenir le maître, tout comme le citoyen doit apprendre à se réapproprier ses opinions au sein de la sphère politique.