Pour une nuit d’amour est sans nul doute un des écrits méconnus de Zola. Une nouvelle tiré du Capitaine Burle que l’on oublie car publié juste après Pot-Bouille.
La nouvelle, faisant une soixante de pages, s’ouvre sur le personnage de Julien, simple homme de la campagne, travaillant de manière répétitive à la poste. Encore assez jeune, Julien est grand, très grand, il se trouve gauche, il se trouve laid. Il n’a pas de vie réelle. Chaque jour est la répétition de la veille et cela lui convient très bien. Il a un ami sourd. Il n’aime pas grand-chose. Marcher, regarder la rivière et c’est tout.
Puis un jour Julien se découvre une passion pour la flûte. Sa timidité, son mépris de soi naturel, font qu’il met des mois et des mois avant d’oser en jouer.
Puis un jour, Thérèse, l’héritière de la famille Marsanne, la famille noble qui habite en face de chez lui, apparaît à sa fenêtre. Julien découvre qu’il peut être entendu. Lui qui voulait ne jamais être remarqué. Entendu, écouté, regardé et regardant. Julien se découvre une passion amoureuse par petite dose. Lui qui n’a jamais vécu la moindre volonté finit par se sentir possédé par sa passion à lui qui l’entraînera à épouser sa volonté à elle.
Elle qui est la double incarnation d’Eros & Thanatos. Elle où Zola montre avant l’heure sa compréhension de la psychopathie, de la violence inouïe dont on peut être capable quand on ne ressent rien réellement.
Pour une nuit d’amour est une tragédie qui ne cesse d’aller en progressant, tragédie psychologique incroyable où derrière la simplicité du récit, on découvre une gigantesque finesse sur la part des pulsions dans la conduite humaine. Les questions ne cessent de s’opposer les unes aux autres. Une lecture attentive remarquera la critique sociale chère à Zola. Une autre verra que la volonté de l’un disparaissant sous la volonté d’une autre finit par conduire à l’effondrement de la capacité agissante après un acte pourtant surpuissant, comme si la continuité de la volonté était impossible quand elle ne provient de nous.
La grande absente reste la moralité.
Une tragédie psychologique où l’on voit en Zola un fin lecteur de l’âme humaine mais aussi des philosophes de son temps.